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devoirs de père commun des fidèles, s’il ne considérait que l’intérêt de sa petite principauté, c’est-à-dire s’il était bon souverain.

Les exagérations introduites de notre temps dans l’idée de la souveraineté spirituelle et temporelle du pape ont donné à cette difficulté des proportions effrayantes. L’Italie a tenu à la papauté tant que la papauté a été italienne et lui a laissé le gouvernement qu’elle aimait, le gouvernement municipal. On eût cherché au XVIIIe siècle à arracher la papauté à l’Italie, qu’elle l’eût défendue de toutes ses forces. Les choses à cet égard sont irrévocablement changées. D’une part, la papauté devient de plus en plus une administration catholique, où l’influence est exercée par des étrangers. De l’autre, une idée étroite de souveraineté directe et administrative a remplacé à Rome la vieille idée de suzeraineté, qui constituait pour le pape une position plus digne et plus commode. Par un faux calcul dont les conséquences rempliront notre siècle, Consalvi fit adopter ce principe que la souveraineté du pape sur les états qu’on lui rendait en 1815 était une pleine souveraineté, analogue à celle du roi de France, et impliquant l’abolition des anciennes franchises. C’était là en réalité une énorme usurpation, car en 1796 Bologne était une vraie république, n’ayant avec Rome qu’un lien de vassalité nominale ; mais c’était la faute du temps : il semble qu’en renversant l’empire on prît à tâche de continuer partout, avec autant de rigueur et moins d’éclat, le système de gouvernement que l’empire avait inauguré. L’idée de la souveraineté napoléonienne devint en 1815 la base du droit public européen : l’Allemagne conservait ses petits princes comme de complets souverains ; la restauration conservait le régime préfectoral ; le pape et le sultan étaient déclarés rois absolus des pays que la carte leur attribuait. Pour Rome et Constantinople, la faute fut la même. D’un côté elle devait aboutir au massacre des chrétiens, de l’autre livrer les États-Romains, et surtout les Romagnes, à la révolution. Le pape en effet (et je n’entends pas en ceci lui faire un bien grave reproche) ne sera jamais un bon administrateur ; le gouvernement des sociétés humaines est descendu à des détails mesquins où la vieille majesté romaine ne peut que se compromettre. Le pape d’autrefois échappait à cette responsabilité par la nature peu précise de son pouvoir ; le pape du XIXe siècle n’avait qu’un moyen d’y échapper : c’était d’accepter le régime constitutionnel. Il ne l’a pas voulu, et, pour être juste, il faut se demander s’il l’a pu. Je suis loin de méconnaître ce qu’a eu de généreux une tentative où se sont usés de nobles cœurs ; j’avoue cependant (et certes j’aimerais à voir mon appréhension déjouée) que l’hypothèse d’une papauté parlementaire au temporel me semble difficile à réaliser. À quelques égards même, on peut dire qu’une telle hypothèse est en contradiction avec les principes essentiels non de la papauté idéale,