Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/789

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais blâme-t-il bien hautement l’église d’avoir fait alliance avec tous les despotismes qui l’ont servie, depuis Philippe II jusqu’à tel président sans nom des républiques américaines ? On nous assure qu’il n’en sera plus de même dans l’avenir. Dieu le veuille ! Au surplus, peu nous importe : on tient la liberté de soi et non d’autrui. Il faut souhaiter à tous la mesure de liberté que nous voudrions pour nous-mêmes, mais n’attendre que de nous celle dont nous avons besoin, et à laquelle nous avons droit.

Une circonstance particulière complique encore ces difficultés. Comme tous les états centralisés, le catholicisme ultramontain a besoin d’une capitale. Il faut qu’une certaine portion de la surface du monde soit soustraite à toutes les conditions de la vie nationale pour servir de territoire à son administration et de siège à son souverain. La supériorité du protestantisme par ce côté est immense. L’unité du protestantisme est toute spirituelle ; il n’a pas besoin d’un pouce de terre pour y établir son centre. Jamais protestant, pour la tranquillité de sa conscience, n’a demandé le sacrifice d’un village de dixième ordre. Mettant son repos non dans la communion avec un chef, mais dans la foi en un livre, et ultérieurement dans la pure idée du Christ, la conscience du protestant est au-dessus des révolutions et des hasards de l’histoire. Ce complet détachement de l’espace, ce spiritualisme absolu, n’admettant de lien avec aucun point terrestre, le catholicisme ultramontain ne saurait le pratiquer. Il ne peut se passer d’un établissement matériel ; il faut qu’il ait un patrimoine, une armée, un trésor, une diplomatie, une politique. Il entre en plein dans le courant des choses passagères, il est clair qu’il en doit subir la loi. Il pose sur le sol ruineux de notre planète, il en ressentira toutes les secousses. Pour que l’ultramontanisme en effet pût se promettre des destinées éternelles, il faudrait qu’il fût assuré que le coin de terre sur lequel il a bâti sa ville sainte ne tremblera jamais, et que le peuple qu’il s’est approprié non-seulement restera toujours catholique, mais ne réclamera point son droit de vivre comme les autres nations. Il lui faudrait une ville dans les nuages, un pic inaccessible, où nul voisinage ne vînt le troubler. Voyons si le pays où, en vertu de déductions théologiques fort subtiles, et surtout par suite de nécessités historiques de premier ordre, le catholicisme a placé son siège réunit toutes ces conditions.

Ce pays est l’Italie. Ç’a été là pour le catholicisme une heureuse fortune, et l’Italie, de son côté, y a gagné une destinée brillante et tout à fait à part, qui n’est devenue pour elle un fardeau et une infériorité que depuis les changemens amenés par la révolution dans le train du monde ; mais quatre faits considérables se sont introduits, il y a un demi-siècle, dans l’ordre européen, et ont rendu