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et y parlent un langage que ne comprendraient plus les Maï, les La Somaglia.

De ce que le système catholique est préférable au régime des églises nationales dépendantes de l’état, faut-il conclure qu’un tel système représente en religion l’idéal de notre temps ? Non certes, La notion ultramontaine d’un pouvoir religieux centralisé dans une capitale, possédant cette capitale et les provinces qui en dépendent en toute souveraineté, traitant avec les états de puissance à puissance, par-dessus la tête des clergés locaux, implique, à mon avis, des difficultés qui se révéleront. Une logique inflexible en effet a de plus en plus amené le catholicisme à fortifier son centre, à y faire refluer toute puissance. De plus en plus les catholiques ont été conduits à croire qu’ils reçoivent de Rome la vie et le salut. Il est même bien remarquable que ce sont les nouvelles conquêtes du catholicisme qui montrent à cet égard le plus de susceptibilité. Le vieux catholique provincial, qui tient sa foi du sol, a moins besoin du pape et est beaucoup moins alarmé des orages qui le menacent que le néocatholique, qui, en revenant au catholicisme, a envisagé le pape, selon le nouveau système, comme l’auteur et le garant de sa foi. Une sorte de lamaïsme ou de foi en une perpétuelle incarnation de la vérité tend ainsi à s’établir. Par une bizarre rencontre, le plus puissant auxiliaire de ces modernes exagérations a été celui qui en a semblé le plus redoutable ennemi. L’idée que le pape est dans l’église ce que l’empereur est dans l’état, qu’il administre l’église par les évêques comme l’empereur administre l’état par les préfets, que traiter avec lui c’est traiter avec l’église, comme traiter avec l’empereur c’est traiter avec l’état, cette idée-là est une idée de Napoléon. Elle est le fond du concordat. On eût demandé à Grégoire VII s’il se croyait les pouvoirs nécessaires pour biffer d’un trait de plume une église entière et la reconstruire le lendemain selon les vues du souverain temporel, qu’il eût répondu négativement. Les théologiens de ce qu’on appelle la petite église produisirent sur ce point d’invincibles argumens. Le concordat est un fait inouï dans l’histoire de l’église et l’acte d’ultramontanisme le plus énorme que la papauté se soit jamais permis. L’évêque, qui, dans les anciennes institutions canoniques, tient son pouvoir d’un droit divin, n’est plus qu’un préfet révocable, même sans qu’il soit en faute, pour le bien de la communauté. Le pape, qui n’a dans l’ancienne église qu’une primauté mal définie, devient l’administrateur général de l’église. La constitution des diocèses comme églises distinctes est profondément atteinte ; le réseau peut en être changé quand il plaît à l’administrateur suprême ; ils n’ont plus qu’une existence factice comme le département. Le principe administratif de la France fit ainsi dans l’église une complète invasion ; le pape