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néficié des meilleures conquêtes que le christianisme ait faites, les États-Unis, l’Australie, les Indes hollandaises, le cap de Bonne-Espérance. L’Hindoustan et la Chine ont même reçu une forte semence protestante. Presque toute l’Océanie semble destinée à devenir protestante, et ce qu’il y a de plus grave, c’est que ces riches dépôts de race anglo-saxonne jetés au bout du monde colonisent et fructifient à leur tour avec une admirable fécondité. Il y a là une sourde conquête dont les résultats sont incalculables. — On se tromperait cependant si l’on croyait que, dans ce partage de la terre par la race de Japhet, les deux églises orthodoxes n’ont pas aussi, à la suite de la politique, d’importantes conquêtes à accomplir.

La Russie en effet gagne à l’église grecque des tribus nombreuses dans le nord et le centre de l’Asie ; les populations bouddhiques paraissent appelées à se souder par la à la société chrétienne. Ces conquêtes se font sans violence et avec assez d’habileté. La Chine recevra probablement du même côté l’apport chrétien le plus énergique. Enfin quelques petites chrétientés schismatiques de l’Orient, les Armemens par exemple, semblent destinées à se rattacher à l’église gréco-russe, quand elles sortiront de leur isolement. On voit quelle énorme surface semble ainsi dévolue à la famille chrétienne qui un moment avait paru condamnée à périr.

Quant au catholicisme, si son avenir colonial est moins brillant que celui du protestantisme, il ne faut pas s’arrêter à cette vue exclusive. Certes l’Amérique espagnole et portugaise, le Canada, les Philippines, ne valent pas les États-Unis et l’Australie ; mais sur tout le littoral de la Méditerranée, Rome peut faire d’importantes conquêtes. Une église qui est celle de la majorité des Français ne peut manquer d’être réservée à bien des fortunes imprévues et de recevoir plus d’un glorieux reflet. Les écoles chrétiennes et les établissemens charitables que le zèle du catholicisme français multiplie en Orient, comme pour combler l’effroyable lacune que l’islamisme porte au cœur, ont de l’avenir. Il est un élément d’ailleurs sur lequel le catholicisme a beaucoup plus de prise que le protestantisme, et même que l’église gréco-russe : je veux parler des petites communautés chrétiennes déchirées ou flottantes que les désastres de l’église grecque l’ont empêchée de s’assimiler, Abyssins, Coptes, Syriens, Armemens. Rome, par ses apparences traditionnelles, a des avantages auprès de ces églises, et les disputera souvent avec succès à la Russie. La fidélité qu’elle a su inspirer aux Maronites et les services qu’elle en tire sont un fait très caractéristique. La manière abstraite dont le protestantisme aborde ces populations n’est pas en général (il faut faire une exception pour la belle mission américaine des nestoriens d’Ourmia) celle qui paraît la plus propre à assurer auprès de chrétientés aussi abaissées un bien solide succès.