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du ministère de l’intérieur à Turin, et il occupait encore ces fonctions l’an dernier à la veille de la guerre ; mais déjà il était atteint du mal qui devait le conduire à la mort. Il résista tant qu’il put, avec des forces défaillantes, dans les momens pressans. « Ma santé est toujours délicate, écrivait-il, mais je n’ai pas le temps de m’en occuper. J’ai un devoir à remplir comme fils et comme citoyen. Je suis heureux de pouvoir m’en acquitter avec dévouement au moins. » Un soir, en sortant du ministère, après une journée de travail, il fut pris de la fièvre et se vit condamné à un repos absolu. On le nomma alors conseiller d’état en mission extraordinaire. Ce n’était que le prélude d’une fin que des soins touchans et assidus pouvaient tout au plus retarder. M. de Santa-Rosa se retira d’abord dans son pays, à Savigliano, puis il alla passer l’hiver dernier à Nice, et peu à peu il s’est avancé vers la mort, se laissant aller quelquefois à des illusions que ses amis ne pouvaient partager. D’autres ont eu un rôle plus éclatant, nul n’a eu un cœur plus chaud pour l’Italie et un esprit plus libre, plus sincère, plus loyal et plus modéré. Il aimait naturellement le bien. La cause italienne était pour lui la cause du juste, et il avait aussi la conscience qu’il servait une cause juste, nullement offensante pour la religion, en aidant à tous les progrès libéraux du Piémont. Il était donc très Italien et très libéral dans tous ses instincts, dans toutes ses vues, dans toutes ses aspirations ; mais il avait aussi la modération, le sens de ce qui était possible chaque jour, et l’honnêteté de l’esprit. Le comte Théodore, de Santa-Rosa était en un mot un homme de bien, un patriote éclairé, et l’Italie n’a pas une telle profusion d’hommes de ce caractère que ceux qui disparaissent avant d’avoir achevé leur carrière ne laissent un vide. Ce qu’on peut dire, c’est que cet homme de bien a porté jusqu’au bout avec honneur un nom inscrit par son père sur les premières pages de l’histoire contemporaine de l’Italie.


CH. DE MAZADE.


REVUE MUSICALE


Il y a longtemps que nous n’avons parlé des théâtres lyriques, des œuvres et des artistes qui se sont produits à Paris et ailleurs pendant le bel été que nous venons de traverser, et dont nous ressentons encore la maligne influence. L’année 1860 ne manquera pas d’occuper une bonne place dans l’histoire des temps, et, sans nous occuper des grands événemens qui se passent dans le pays de la mélodie, sous le ciel qui a vu naître Palestrina et Rossini, Cimarosa, Paisiello et tanti altri ! l’année qui va s’achevant marquera dans les fastes météorologiques par cette longue éclipse de soleil qui dure encore. Les théâtres seuls paraissent ne pas avoir à se plaindre de la température qui règne en Europe depuis six mois, car on assure que toutes les administrations théâtrales ont fait d’excellentes affaires, sans beaucoup