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et des États-Unis en est la meilleure preuve, que la loi, en créant l’autorité de la province, doit viser principalement à organiser une machine aussi simple et aussi indépendante que possible. Placée entre les assemblées populaires de la commune et le parlement suprême, pouvoir législatif de la nation, l’autorité provinciale doit être essentiellement administrative. La création de grandes assemblées permanentes dans les provinces ne pourrait qu’affaiblir l’autorité du parlement national. Ces assemblées, sans rien ajouter aux garanties de la constitution et à la liberté véritable, pourraient même devenir, en certains cas, un embarras et un danger pour la sûreté de l’état. L’autorité de la province doit donc consister simplement dans un conseil composé de représentans des communes. Ce conseil provincial, dont les sessions seraient courtes et en petit nombre, aurait particulièrement pour devoir d’élire une commission exécutive dont le président serait choisi par le roi sur une proposition qui lui serait faite. Ce président et cette commission devraient, dans notre idée, remplacer le préfet ou l’intendant, et le conseil de préfecture ou d’intendance.

Il n’est pas nécessaire d’ajouter que les fonctions de ces nouveaux administrateurs doivent être rétribuées. Nous savons bien qu’en proposant cette émancipation de la province, nous aurons contre nous, bien plus encore qu’en ce qui touche la commune, l’opposition de la bureaucratie. Je ferai simplement observer que l’autorité provinciale formée comme je le dis, avec des attributions déterminées par une loi organique, réunit toutes les conditions d’intelligence, d’honnêteté et de patriotisme nécessaires pour la sûreté de l’état. Et d’ailleurs cette émancipation des administrations provinciales et communales ne laisse nullement le pouvoir central sans action : la police générale de l’état, les douanes, les postes, les tribunaux, la gendarmerie, l’armée, qui dépendent du gouvernement, feront sentir partout sa présence.

Les affaires de la commune et de la province étant ainsi examinées, discutées et résolues par les représentans de ces localités, on est naturellement dispensé de tous ces rouages intermédiaires qui fonctionnent dans l’obscurité, avec une grande perte de temps et d’activité. C’est l’émancipation de tous les intérêts mise à la place d’un système de lenteurs minutieuses et stériles. La plus petite question n’a pas, comme sous le régime de centralisation, à passer successivement à travers tous les filtres, de la hiérarchie administrative. Il se produit immédiatement une grande diminution du nombre des affaires et une notable réduction du nombre des fonctionnaires. L’état a moins à payer, moins à surveiller, tandis que la commune et la province, de leur côté, ayant la responsabilité de leurs affaires, s’y attachent davantage. Les citoyens concourent librement à l’œuvre commune par la presse, par la discussion publique, par une intervention gratuite dans l’administration d’un grand nombre d’intérêts locaux tels que la conservation des monumens, la surveillance des écoles et des établissemens de charité, l’hygiène, l’entretien des routes, les prisons, etc. De la sorte, je pense, un grand progrès est accompli.

Nous arrivons aux gouvernemens généraux des provinces, je veux dire de ces grandes fractions de la péninsule qui formaient autrefois des états séparé