Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/742

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et militaires ; mais, pour obtenir encore des accroissemens solides, le Piémont doit les mériter par une constance patiente et par une modération éprouvée. Le premier témoignage qu’il doit donner de cette modération, c’est de respecter les justes droits des autres puissances européennes, lorsqu’il se rencontre dans les affaires italiennes des questions qui dépassent la péninsule et touchent aux intérêts et aux droits de tous les états. Nous ne comprendrions pas, quant à nous, dans ces questions les modifications de régime qui résultent des révolutions accomplies, au moins sous une forme spontanée, par les populations elles-mêmes et par la défaillance des anciens gouvernemens ; mais il n’en est pas ainsi de la question romaine. Là, le Piémont a entrepris une agression directe, et pourtant la question romaine est celle qui appartient par excellence à la décision de l’ensemble des états chrétiens. La suppression du pouvoir temporel ne serait rien moins qu’une perturbation de toutes les conditions extérieures de la constitution de l’église catholique. Les rapports de l’église et de l’état en seraient troublés dans tous les pays catholiques. Ce serait une révolution religieuse, qui pourrait amener la rupture des concordats et conduire à deux conséquences opposées : d’une part à la formation d’églises nationales, de l’autre à la rupture des liens qui unissent les clergés catholiques aux organisations financières et administratives de plusieurs états. Est-il raisonnable, est-il possible que le Piémont ait la prétention, par sa seule initiative, de donner le branle à une révolution si vaste et si profonde, et de dérober aux autres peuples le règlement d’un intérêt si général et si élevé ? Sans vouloir rien préjuger sur la question même de la papauté, c’est une prétention usurpatrice des droits de la liberté et du jugement de tous que nous ne saurions admettre, et qui paraît plus exorbitante encore en venant s’afficher aux portes de Rome, à la face d’une armée française.

Nous ne sommes donc pas surpris de voir le gouvernement français augmenter nos forces à Rome et ne se fier qu’à nos soldats du soin de la protection de notre drapeau contre les vaines menaces qui nous ont été lancées. Nous trouvons également naturel que la pensée d’un congrès soit entrée dans ses préoccupations. On avait dit que l’Espagne s’était vivement émue de la position du saint-siège, et avait eu la pensée d’offrir ses soldats pour la défense du saint-père. Oh prétendait que l’Espagne aurait été détournée par la France d’un tel dessein. Nous croyons que l’on s’est mépris sur l’objet des démarches de l’Espagne. L’Espagne a demandé la réunion des puissances catholiques en conférence, pour aviser aux événemens de Rome et aux moyens de conserver la souveraineté pontificale. Nous supposons que la pensée du gouvernement français ne s’est point montrée contraire aux intentions dont l’Espagne était animée. Seulement la proposition espagnole faisait une grave omission ; elle semblait oublier que le dernier titre diplomatique qui a réglé la souveraineté romaine n’est point émané des puissances catholiques seules, que l’acte de Vienne est signé par quatre puissances