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eût été déjà la plus grande des réformes dans les états pontificaux : elle eût rendu les autres compatibles et avec la dignité du saint-siège recouvrant son initiative indépendante, et avec la conservation de l’ordre dans les possessions de l’église. Ce qui prouve qu’un tel projet ne reposait point sur des données aussi illusoires que certaines personnes le prétendent, c’est la colère qu’il a excitée chez les partisans de l’unité immédiate de l’Italie, c’est la hâte que le Piémont a mise à le traverser et à l’anéantir par la force. On n’a pas voulu laisser au général Lamoricière le temps de faire l’éducation militaire de ses recrues. Le général, qui avait même des forces insuffisantes pour garder tous les points du territoire menacés par des expéditions de corps francs, a été attaqué à l’improviste par une armée régulière de cinquante mille hommes. Au moment où cette attaque s’est produite, nous avions cru que le gouvernement romain déclinerait la lutte. Le pape est le seul souverain qui puisse céder sans déshonneur à la violence extérieure. Nous le répelons, dans un temps comme le nôtre, sa puissance temporelle n’est point faite pour entreprendre ou soutenir la guerre avec aucun gouvernement régulier. Cette puissance repose sur une convention à laquelle sont solidairement liés tous les grands états européens. Ces états ont paru croire jusqu’à présent qu’il était de leur intérêt que le chef spirituel des populations catholiques eût l’indépendance d’un souverain politique. Le temporel du pape au point de vue politique dépend uniquement de cette convention. Cela est si vrai que la possession territoriale qui a été donnée à la papauté n’est proportionnée qu’aux conditions de l’ancien équilibre italien, et ne permet point aux papes de se défendre efficacement contre l’agression d’aucun état, même de deuxième ordre. Puisqu’il en est ainsi, le pape n’avait pas besoin de résister par les armes à l’ultimatum piémontais. il nous semble que sa conduite était toute tracée.

Il n’avait qu’à déférer sur-le-champ cet ultimatum non-seulement aux états catholiques, mais à tous les états qui comprennent des populations catholiques. Ces états sont en effet tous intéressés au même titre à la conservation de son pouvoir temporel ; les conditions territoriales et politiques de ce pouvoir temporel sont leur propre chose et entraînent une portion de leurs propres droits. Le pape, s’adressant à ces états, n’avait qu’à leur dire : « L’ancienne convention par laquelle existe ma souveraineté, que, réduit à moi-même, je ne peux ni ne dois vouloir défendre par les armes, cette convention subsiste-t-elle encore ? Si elle subsiste, le débat n’est pas entre le Piémont et moi ; il est entre le Piémont et vous tous, puisque le Piémont s’arroge à lui tout seul le pouvoir de détruire un édifice qui est votre propriété collective, un édifice qui protège les intérêts et les droits de chacun de vous dans le domaine du gouvernement des âmes. Si, à votre gré, le vieux pacte est frappé de déchéance, déclarez-le franchement, car la lutte armée, incompatible avec mon caractère, n’est point permise à ma faiblesse matérielle. Surtout déclarez-le promptement, c’est un intérêt d’humanité qui vous