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toute la masse, cette matière organique étrangère consommait la fécule amylacée, absorbait les substances azotées grasses et salines, jusqu’au moment où, après avoir accompli son œuvre de destruction, elle devenait elle-même sujette aux altérations spontanées et en proie aux attaques d’insectes fungicoles. On a remarqué en outre que l’envahissement des tubercules s’opérait parfois à leur périphérie et sans traverser les feuilles et les tiges.

Dans tous les cas, l’action première du végétal parasite, loin d’être comparable à une sorte de pourriture, comme on l’a pensé, solidifie au contraire les tissus envahis, au point qu’une ébullition d’une ou deux heures dans l’eau rend ces parties plus dures encore, et comme l’ébullition désagrège en même temps, et rend farineuses toutes les parties saines, cette sorte de simple cuisson permet de séparer celles-ci sous la forme d’une pulpe fine qu’on fait passer au travers d’un tamis, tandis que les portions malades demeurent en masses compactes après le tamisage. En un mot, tous les signes distinctifs de cette singulière affection sont identiquement les mêmes que ceux qui ont été observés pendant les années précédentes. D’ailleurs la végétation parasite laisse toujours intactes, par zones irrégulières, de grandes étendues dans nos cultures. Dès lors la pomme de terre conserve tous les caractères d’une parfaite conservation de l’espèce et de ses nombreuses variétés. En somme, le dommage sera cette année peu considérable ; il sera facile de l’amoindrir encore en se hâtant de faire consommer aux bestiaux ou de soumettre au râpage dans les féculeries les tubercules attaqués, avant que les altérations s’y soient propagées davantage, en évitant surtout d’emmagasiner en tas volumineux ou dans des silos les pommes de terre, même très légèrement atteintes, car l’altération y pourrait faire ultérieurement de très grands progrès.

Quant à la vigne, des exemples de plus en plus nombreux semblent enfin avoir entraîné une conviction générale à l’égard du soufrage. Toutefois, dans le plus grand nombre de nos vignobles, ce n’est pas seulement par le cryptogame parasite, par le fatal oïdium, que se trouve menacée la récolte prochaine, c’est surtout par les pluies et la basse température. Partout, si ce n’est dans certains vignobles privilégiés du midi et quelques-uns des principaux crus de la Gironde[1], la maturation du raisin sera trop incomplète ou

  1. Cette année en effet les vignobles du Bordelais ont été moins maltraités que les autres et pourront fournir de bons vins dans les crus les plus estimés. Il est peut-être intéressant de rappeler à cette occasion que le commerce de Bordeaux classe ses vins en soixante crus environ, répartis en cinq divisions principales : 1re Château-Margaux, Lafitte-Latour ; — 2e Branne-Cantenac, Cos-Destournel, Durfort de Vivens, Gruau-La-rose, etc. ; — 3e Issan, Desmirail, Philippe Dubignon, etc. ; — 4e Talbot, Beychevelle, Calon-Sestapis, Carnet, Castéja Dubignon, etc. ; — 5e Balailley, de Bedout, Conet, Cante-Merle, Surine, etc. — Parmi les vins de Graves, on distingue le cru hors ligne de Haut-Brion, puis les crus du Haut-Talence, de Mérignac, de Carbonnieux et de Léognan. Les vins des côtes les plus estimés comprennent au premier rang les produits du vignoble de Saint-Emilion. — Quant aux meilleurs vins des Palus, ils sont recherchés surtout pour les expéditions lointaines.