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ossemens fossiles d’hyènes et d’autres animaux. Il fit connaître en 1829 un gisement considérable de coprolithes, excrémens fossilifiés de sauriens carnivores ou du moins ichthyophages. Ces détritus de l’ancien monde contenaient de nombreux fragmens d’os, et le phosphate calcaire y occupait jusqu’à 75 centièmes du poids total. Ces observations ont pris rang parmi les plus belles découvertes de la paléontologie ; elles généralisent l’idée d’une grande diffusion du phosphate de chaux d’origine animale dans les couches sédimentaires.

Bien avant que l’on songeât à faire un usage spécial de cet engrais dans l’économie rurale, à la fin du siècle dernier, M. Berthier avait fait connaître la présence des phosphates dans divers minéraux. Récemment M. Meugy, ingénieur des mines, et M. Delanoue, savant géologue français, ont démontré que l’espèce de tuf désigné sous le nom de tun dans le nord de la France, contient de 35 à 40 centièmes de phosphate de chaux. Les gisemens de ce minéral en nodules[1] dans la craie chloritée, près du Havre, dans les argiles des terrains crétacés inférieurs de la Normandie, se retrouvent en Angleterre dans des positions correspondantes, notamment vers l’extrémité occidentale des roches de craie blanchâtre auxquelles la Grande-Bretagne doit son surnom antique d’Albion. Plus récemment encore, M. de Molon est parvenu à dresser une carte géologique qui indique les divers points de la France où se rencontre le phosphate calcaire. Réduit en poudre, il est employé déjà sur un grand nombre de domaines. La Société centrale d’agriculture de France a chargé une commission spéciale prise dans son sein de suivre à cet égard des expériences comparatives entre les différens engrais minéraux phosphatés en poudre, soit à l’état normal, soit acidifiés ou mêlés avec des engrais organiques, et le noir animal vierge ou résidu des raffineries, dont les effets utiles sont si bien constatés aujourd’hui. Pour théâtre de ces expériences, on a choisi d’égales superficies sur un terrain de 20 hectares nouvellement défriché en Sologne dans les cultures de M. le marquis de Vibraye. On connaîtra ainsi exactement le mode d’emploi à l’aide duquel on peut obtenir le maximum d’effet des phosphates minéraux. L’intérêt qui s’attache à ces déterminations est d’autant plus grand que, dans plusieurs des gisemens connus, les nodules riches de 32 à 70 centièmes de phosphate calcaire peuvent dès aujourd’hui être exploités et pulvérisés assez économiquement pour être livrés aux agriculteurs à bien meilleur marché que les phosphates des autres origines.

Quel est enfin le mode d’emploi le plus convenable de cet. engrais ? Quels résultats en peut-on attendre dans des circonstances

  1. Sous cette dénomination de nodules, on désigne des agglomérations minérales arrondies contenant en différentes proportions du phosphate de chaux et parfois du-phosphate de fer.