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solubles se retrouveraient aux différens étages des formations géologiques. D’ailleurs, en dehors des phosphates qui ont appartenu aux êtres organisés, on trouve des composés plus ou moins riches en acide phosphorique qui n’ont pas encore été engagés dans les organismes vivans, mais que l’homme peut extraire et mettre à la disposition de l’agriculture. La recherche des phosphates de diverses origines a eu pour résultat l’établissement d’exploitations considérables en Angleterre et en France[1]. Près des côtes orientales de la Grande-Bretagne, dans les comtés de Norfolk et de Suffolk, on exploitait depuis plusieurs siècles un dépôt de coquilles fossiles (appelé crag), analogue au falun de la Touraine. Les géologues ont depuis longtemps constaté dans ces dépôts coquilliers des ossemens antédiluviens. On rencontre constamment dans le crag supérieur du Suffolk des os d’éléphans fossiles, de bœufs, de rhinocéros, etc.[2], qui, employés pêle-mêle avec les restes de coquilles, ont dû agir plus efficacement, en raison des plus grandes proportions de phosphates qu’ils renferment. Ces divers débris furent dès lors recueillis, et, après avoir été réduits en poudre dans des moulins particuliers, mélangés, pour 16 ou 24 centièmes de leur poids, avec de l’acide sulfurique qui en facilite la dissolution. Ainsi préparé, cet engrais minéral se vend 15 ou 17 fr. les 100 kilos, et représente, à ce prix, une valeur bien plus grande que la houille. Par conséquent il peut donner lieu à une exploitation plus lucrative.

Dans les petites falaises bordant le canal de Bristol à Austcliff, MM. Buckland et Conybeare avaient signalé dès 1822 une couche de lias inférieur tellement abondante en débris d’ichthyosaurus et d’autres grands sauriens, qu’elle constitue un véritable conglomérat ossifère, désigné en effet sous le nom anglais bone-bed (couche d’os), et qui pourra devenir une carrière abondante de phosphate de chaux. Plus tard M. Buckland, l’illustre auteur des Reliquiœ diluvianae, découvrit dans la caverne de Kirkdale (Yorkshire) des

  1. Nous empruntons quelques-unes de ces données à un savant mémoire de M. Elie de Beaumont inséré, dans le recueil de la Société centrale d’agriculture pour l’année 1856.
  2. M. Wiggins annonça en 1848 à la Société géologique de Londres que, sur plusieurs points de la formation du crag dans le Suffolk, on avait trouvé des quantités considérables d’ossemens, de dents et de coprolithes excrémens fossiles. L’extraction sur une superficie de 10 ares a donné 300, 000 kilos de ces débris phosphatés.