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aveugle critique. On exigeait d’elles le remboursement de leurs billets en espèces, et à vue, conformément aux principes, en même temps que l’on ôtait tout cours légal et toute force libératoire à la monnaie hispano-américaine, la seule qu’elles pussent se procurer en quantités suffisantes dans le milieu où elles fonctionnent. Une prochaine liquidation était réclamée avec menaces, lorsque l’esprit inventif, stimulé par le péril et la souffrance, a découvert un utile expédient, en attendant une émancipation vis-à-vis du pouvoir local qui les mette au même rang que les banques de France et d’Algérie. Le comptoir d’escompte de Paris consent à établir à la Martinique une agence qui permettra à la banque de délivrer, en échange de son papier de portefeuille, des traites sur la France, New-York, Londres, peut-être même sur Saint-Thomas et Porto-Rico. Ces traites seront livrées par la banque au commerce colonial en échange des effets dont il demandera l’escompte ; avec ces traites, le commerce fera des remises, préférées à des envois d’argent. En même temps, les 6 millions que l’état expédie chaque année aux colonies, comme paiement des services publics, s’accumuleront bientôt en quantités suffisantes pour satisfaire aux besoins de la circulation intérieure. L’amortissement progressif des avances faites au sol et à l’industrie ne peut manquer, à travers quelques souffrances, de rétablir la balance entre les importations et les exportations. Toutefois, avant que l’amortissement soit accompli, l’on doit s’attendre à des embarras résultant de l’insuffisance de la production, et c’est pourquoi tout ce qui pourra développer les transactions sera un bienfait public, depuis le l’établissement du régime monétaire sur les anciennes bases jusqu’à la liberté commerciale, objet déjà de plusieurs manifestations, et qui deviendra bientôt le vœu général de l’opinion. En France, ce drapeau signifie réduction progressive, suppression même des tarifs douaniers ; aux colonies, il signifie avant tout permission de commercer, même sous l’acquit de certains droits, avec les pays étrangers, car la prohibition, qui n’est en France qu’une exception, est la régle aux colonies.

Ce régime, qualifié de pacte colonial, quoiqu’il émane de la seule souveraineté de la France, a tout entravé et tout mis en privilège. La France se réserve les principales denrées des Antilles, sucre, café, coton, les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de la production. À leur entrée, elle les accueille du reste, non point à bras ouverts et d’un cœur maternel, comme des fruits d’une terre française, mais en les grevant de taxes exorbitantes, équivalant à peu près à la valeur intrinsèque de la marchandise : c’est ce qu’on appelle des faveurs ! Tout ce qui n’est pas nominativement prévu par les tarifs propres aux colonies est soumis au tarif général, c’est-à-dire taxé comme é