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eût été oppressif pour elle, que le règne du roi Guillaume ne leur eût pas procuré tous les biens que porte avec lui un bon gouvernement, l’ordre, la liberté, une exacte justice, une administration intelligente et bienfaisante, un degré de prospérité qu’elles n’avaient jamais connu jusque-là. Il y avait même plus, c’est que si l’on eût laissé la carrière libre au prince d’Orange, il était possible qu’il eût réussi à ramener sous le joug les provinces révoltées ; au moins la campagne de 1831, où il ne fut arrêté que par nos troupes, donne quelque vraisemblance à cette hypothèse. Que fit cependant L’Europe ? Elle intervint, elle évoqua l’affaire ; la conférence de Londres fut constituée, et pendant les années où elle siégea, elle rendit au monde entier des services que la reconnaissance publique ne peut avoir oubliés. Je ne connais pas un intérêt respectable qui ait souffert de ses décisions, des résultats de son œuvre. Je n’en vois aucun auquel on ne doive applaudir. La Hollande elle-même s’en est retirée saine et sauve dans sa dignité ; sa considération n’en a pas été amoindrie au milieu des nations, et son exemple prouve que, si, étant menacée de l’arbitrage de l’Europe, la Porte arguait aujourd’hui pour le repousser du tort qui serait fait à son influence et à son honneur, ce n’est pas à autrui : mais bien à elle-même d’abord qu’elle devrait s’en prendre.

Sans compter la nécessité qui nous presse, tous ces exemples, le dernier non moins que les autres, paraîtront sans doute concluans, et l’on ne devine pas quel motif raisonnable pourrait empêcher les cinq puissances signataires déjà des premiers protocoles de se former en conférence, comme elles l’ont fait autrefois à Londres, et d’évoquer à leur tribunal les affaires de la Syrie, comme elles ont évoqué autrefois celles de la Belgique. Qu’elles discutent toutes les hypothèses qui ont été proposées pour résoudre la question, et lorsqu’elles auront vu s’évanouir dans le creuset de la discussion tous les projets qui consistent à chercher en Orient ou en Syrie même les moyens de résoudre le problème, alors qu’elles aient le courage de la circonstance, et qu’elles placent sur le trône de Syrie un prince chrétien, comme elles ont placé le roi Léopold sur le trône de Belgique.

Le plus difficile probablement serait de désarmer les jalousies et les rivalités à propos de l’élection à faire, mais on y parviendrait sans doute en procédant par voie d’exclusion, c’est-à-dire en établissant comme principe que le choix ne pourrait porter sur aucun des princes appartenant à l’une quelconque des maisons royales ou impériales qui représentent les cinq grandes puissances.

Ce point une fois résolu, il est bien des choses qui iraient presque d’elles-mêmes. Il n’est pas probable par exemple que des puissances