suscitées par la malveillance contre sa colonie d’étrangers et d’hérétiques. Ces préoccupations diverses avaient même altéré sa santé, lorsque, pendant le printemps de 1762, un débordement de la rivière envahit le pré et submergea les toiles qui y étaient étendues. Oberkampf se jeta à l’eau pour les retirer. Le lendemain, une maladie aiguë le clouait sur son lit. Il y resta six mois malgré les soins que lui prodigua M. Demaraise. La force de l’âge et la vigueur du tempérament ayant pris enfin le dessus, il partit pour la Suisse, où l’air qu’on respire au foyer paternel devait hâter sa convalescence.
Pendant ce temps le procès allait son train. M. Parent, qui était l’ami des deux adversaires, offrit son intervention. Par égard pour le médiateur, M. Demaraise, quoique à regret, consentit à un compromis, et fit part à Oberkampf de ce dénoûment inattendu. Celui-ci, très satisfait de se voir délivré de ce débat judiciaire auquel il ne comprenait pas grand’chose, se hâta de retournera son poste, et dès le 1er janvier 1764 la maison fut constituée sous la raison sociale Sarrasin Demaraise, Oberkampf et C°.
Les affaires allaient s’engager d’une façon grande et sérieuse. L’industrie des toiles peintes, encore jeune en Europe, n’était cependant pas une nouveauté dans le monde. Il est constant que l’Inde pratiquait l’impression sur toile de temps immémorial ; mais, dans les étoffes de l’Orient, le trait du dessin était seul imprimé ; le coloriage s’opérait à la main. de la le nom fort juste de toiles peintes qu’on leur avait donné. Ce procédé de fabrication, plus voisin de l’art que de l’industrie, était approprié aux conditions économiques du pays qui produit ces filigranes aussi délicatement ouvragés que la toile de l’araignée et ces châles de Cachemire dont le tissage merveilleux absorbe une partie considérable de l’existence d’un homme. Là, au sein des splendeurs d’une nature exubérante, les générations d’ouvriers se succèdent mornes et résignées comme les troupeaux en marche vers l’abattoir. À la patience du mouton unissant l’adresse du singe, ces pauvres gens trouvent dans leur labeur la poignée de riz qui les empêché de mourir de faim. En Europe, il n’en pouvait être ainsi. Pour pouvoir transplanter cette industrie orientale, il avait fallu la modifier et trouver les moyens d’activer la production, afin d’accorder à la main-d’œuvre une rémunération suffisante. On fit donc pour l’application des couleurs ce que dans l’Inde on ne faisait que pour le trait du dessin, et les toiles peintes se métamorphosèrent en toiles imprimées ; mais les progrès furent bien lents. La chimie n’existait point encore à l’état de science positive. Les procédés de teinture, quoique donnant de beaux résultats pour certaines couleurs, ne reposaient que sur une expérimentation étrangère à toute connaissance théorique. D’un autre côté, la mécanique n’étant guère plus avancée que la chimie, l’art de l’impression é