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vingt-huit jours par an à bord de bâtimens transformés en école, où ils reçoivent la solde et les rations des matelots de la flotte active. En cas de guerre seulement, ils seraient à la disposition complète de l’amirauté. On avait fixé à 30,000 la limite de ces enrôlemens, dans la crainte d’être débordé par le nombre. Cette crainte s’est trouvée vaine ; l’appel a eu peu de succès. En vigueur depuis sept mois, la mesure n’a fourni que 3,000 engagemens. À quoi tient cet échec ? Est-ce à des règlemens trop minutieux, comme l’a dit lord Lyndhurst ? Est-ce au soin que l’on met à bien choisir les sujets, comme l’affirme le duc de Somerset ? Est-ce enfin à la clause qui exclut de la réserve les hommes au-dessus de trente-cinq ans ? Toujours est-il qu’il n’y a pas affluence. Les convictions de l’amirauté n’en sont point ébranlées ; elle compte sur l’effet du temps et persiste à croire que, mieux appréciée, l’institution portera ses fruits. Avant de se livrer, le marin libre hésite, réfléchit, veut bien savoir ce qu’il fait et quel profit il doit en tirer ; c’est dans le caractère national. Les plus décidés ouvrent la marche, les autres suivront. Il est douteux pourtant que le cadre se remplisse ; il restera fort au-dessous de ce qu’on s’était promis.

Mais, dût cette réserve demeurer à l’état d’ébauche, les ressources de la flotte anglaise n’en ont pas moins des proportions qui imposent et donnent à réfléchir. Jamais, depuis près d’un demi-siècle, elle n’avait atteint le développement qu’elle a aujourd’hui. Ce n’est point un pied de paix, c’est un vrai pied de guerre. En 1836, son effectif était de 17, 500 hommes ; en 1859, de 37,000 ; il est, en 1860, de 40,000 hommes ; il sera, en 1861, de 58,000 hommes. À ce dernier chiffre il faut ajouter 18,000 soldats de marine ou simplement marines, comme on les nomme, ce qui donnera au total une force embarquée de 84,000 hommes. C’est environ trois fois plus que n’en compteront nos équipages. Ces marines, dont il vient d’être question, sont de précieux auxiliaires à bord des vaisseaux ; ils en composent la garnison ; ils s’identifient avec les matelots pour beaucoup de services, en gardant le caractère distinct d’une troupe formée pour la mer. Ils sont fusiliers, canonniers, servent les pièces pendant le combat, montent à l’abordage, opèrent des débarquemens, et ne restent étrangers qu’aux manœuvres des hunes. En tout temps on les a trouvés fidèles, solides et disciplinés ; ils ont souvent contenu les équipages, et au besoin réprimé leurs désordres. Lorsqu’en 1797 l’escadre de lord Bridport, mouillée dans les eaux de Spithead, se mit en pleine révolte, l’exemple ne les gagna pas ; ils firent feu sur les mutins, et leur bonne contenance contribua à les faire rentrer dans le devoir. Aucune institution n’est meilleure ; nos soldats et artilleurs de marine, excellente troupe aussi, s’en rapprochent plus par le nom que par l’objet et l’économie du service. Nous n’avons