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Cook d’un journalier, Collingwood d’un marchand ; ils avaient commencé tous trois par les plus humbles fonctions, celles de garde-marine, de mousse et de matelot.

Différant pour l’éducation de leurs officiers, les deux états ne diffèrent pas moins pour la composition de leurs équipages et le recrutement de leurs marins. Nous avons, pour ressource unique l’inscription, et tout a été dit là-dessus. C’est un procès instruit ; M. Mancel d’Amiens vient d’y verser une pièce de plus, curieuse par les détails et qui ne pèche que par les conclusions. Il est constant que ce régime de l’inscription blesse le droit commun, frappe une classe d’hommes d’assujétissement pendant le cours d’une vie active, en leur enlevant ce qu’ont toutes les autres, le bénéfice de l’exonération. En principe, l’institution ne saurait se défendre ; en fait, il y aurait du danger à y porter la main, même à insister sur ce qu’elle a d’injuste et d’affligeant. Le moment serait mal choisi. L’inscription existe, c’est sa vertu et son excuse. À y toucher profondément, on amènerait une crise à laquelle il serait imprudent de s’exposer. Tout au plus peut-on conseiller quelques palliatifs : par exemple, la faculté du remplacement direct sous de certaines garanties, et une échelle de primes pour les rengagemens volontaires après la première période de service. Cet emprunt fait aux dispositions en usage dans l’armée de terre allégerait les servitudes des marins des classes, non-seulement sans nuire au bien du service, mais en l’améliorant au contraire par un plus grand nombre d’élémens de choix et les avantages de la continuité. Il permettrait en outre d’introduire entre l’état d’activité et l’état de réserve une distinction plus marquée, de donner un caractère de fixité à des libérations qui sont aujourd’hui facultatives et de changer en droit ce qui n’est que l’effet d’une tolérance. On aurait toujours les registres de l’inscription sous la main pour les épuiser en cas d’urgence ; on n’en disposerait plus que sous des conditions bien définies et plus tutélaires. Mieux vaudrait, à la rigueur, prolonger la première période d’embarquement que de maintenir dans une profession tant d’existences précaires. Fixés plus longtemps et d’une manière plus suivie à bord de la flotte, les équipages y prendraient plus de goût ; les aptitudes s’y développeraient mieux ; on formerait plus sûrement et avec plus de soins ce cadre d’élite de dix ou douze mille hommes qui est dans le vœu de ceux qui connaissent la mer et peut seul conduire à un établissement durable.

Les Anglais ne connaissent pas les charges de l’inscription ; l’esprit, les mœurs des populations y répugnent. Pour l’armée de mer comme pour l’armée de terre, on n’emploie qu’un mode de recrutement, l’engagement volontaire. Est soldat qui veut, est marin qui veut. Ce n’est pas la loi, c’est l’usage qui l’a ainsi réglé. Pour la marine, la loi est très rigoureuse ; elle donne au gouvernement droit