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permet pas de s’engager. C’est bien assez que nous ayons à pourvoir à la création et à la mise en état de ces coûteux instrumens de guerre qui ne flottent et ne s’ébranlent qu’au prix de 5 ou 6 millions pour chacun : il ne faut pas s’épuiser à la fois de deux côtés, une de ces tâches suffit ; quand elle sera achevée, on songera à l’autre. Il peut d’ailleurs arriver qu’avec les instrumens nouveaux, on tire du même personnel un parti plus grand qu’avec les anciens instrumens. Si la voile s’efface d’un service de guerre, la tâche des officiers sera simplifiée et permettra d’en tenir une bonne partie en réserve pour combler les vides du combat. J’ai indiqué les objections. Quelque graves qu’elles soient, on peut y répondre. Que l’accroissement des cadres n’apaise pas les impatiences de l’avancement, c’est possible et probable ; l’homme veut toujours plus qu’il n’a. L’essentiel est de juger la plainte en elle-même et de s’assurer si elle est fondée ou non. La plainte est fondée aujourd’hui, elle ne le serait plus si une satisfaction, même légère, était donnée à l’opinion. Quant à la dépense, elle n’est pas d’une telle nature qu’elle puisse affecter l’économie d’un budget ; un million par an suffirait, d’après des calculs très précis, à défrayer une augmentation des cadres qui serait au niveau des besoins actuels. Ensuite il faut bien se rendre compte de la situation de la France vis-à-vis de la puissance qui l’observe. Nous essayons de mettre notre matériel en rapport avec le sien ; nous ne restons en-deçà que dans des proportions qui ne nous effacent pas complètement., C’est cette proportion qu’il conviendrait de conserver dans le personnel, de telle sorte que le nombre des officiers correspondît, chez nous comme chez les Anglais, au nombre des bâtimens. En sommes-nous là ? On va le voir. Les cadres présentent en Angleterre 350 capitaines de vaisseau, nous en avons 110 ; — 459 capitaines de frégate, nous en avons 230 ; — 1, 200 lieutenans de vaisseau, nous en avons 650. La balance ne s’établit que dans les grades inférieurs, où l’analogie n’existe plus. Ainsi nous sommes aux Anglais, pour les capitaines de vaisseau, comme 1 est à 3, 18 ; pour les capitaines de frégate, comme 1 est à 1, 99 ; pour les lieutenans de vaisseau, comme 1 est à 1, 85. D’un autre côté, la proportion des bâtimens entre notre flotte et la leur est de 1 à 1, 82. Il n’y a pas d’exagération à demander que l’équilibre soit rétabli, et que pour le personnel comme pour le matériel les distances soient gardées.

On est ramené, quand on s’occupe de marine, à ces rapprochemens entre la France et l’Angleterre. Il n’en faudrait pas néanmoins forcer les termes et chercher des similitudes là où il y a des contrastes, comme l’a fait l’auteur d’une brochure que nous avons citée. Entre les deux pays, les institutions sont aussi distinctes que les génies et les caractères. Essayez de comparer les budgets, les incompatibilité