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genre depuis qu’ils ne sont plus sujets, travaux qui ont tant accru en peu d’années la prospérité de la Suisse, et qui font d’une manière si éloquente, quoique muette, l’apologie ou plutôt le juste éloge des hommes dont les lumières, le courage et la fermeté sont parvenus à rendre et à maintenir libre ce beau pays.


GINGUENE.


On trouve à la fin du manuscrit de l’auteur la note suivante :

« Saint-Prix, 10 octobre 1816.

« J’interromps encore une fois ce récit, déjà interrompu plusieurs fois, et devenu beaucoup plus étendu que je ne croyais.

« J’ai plusieurs objets urgens à terminer qui demandent la préférence ; je reprendrai ensuite ceci, à quoi il ne doit plus manquer que peu de feuilles.

« Le plus important est fini, puisque je touche aux frontières de France et que j’y entrai le soir. J’ai seulement à raconter quelques circonstances de mon retour :

« 1° Une scène de vraie comédie à Yverdun avec l’aubergiste ;

« 2° Une autre scène originale, moitié sérieuse et moitié comique, au fort de Jougne, frontière de France, avec les douaniers et le commandant ;

« 3° Rencontre de M. Teste, commissaire-général de police à Pontarlier ; nouvelles qu’il me donne le 24 de l’entrée et d’une grande victoire de Napoléon en Belgique ;

« 4° Moniteur lu à Dijon le 25, où j’apprends la défaite de Waterloo, l’arrivée de Napoléon à Paris et son abdication ;

« 5° Mon arrivée à Paris le 27 au milieu du désarroi et de la consternation générale ;

« 6° Ma visite le lendemain à Fouché, que je trouvai enfoncé dans le dédale de ses intrigues, et à qui je n’ai pu depuis trouver le moment de raconter rien de ce qui m’était arrivé ni de ce que j’avais fait, quoique je l’aie revu plusieurs fois, à dîner ou le soir. Fouché évita sans doute à dessein ces explications. En effet, quel pouvait être son but en m’envoyant en Suisse dans les circonstances où nous étions ?

« Son inconcevable indiscrétion en disant hautement chez lui à des députés de la chambre qu’il m’avait chargé d’une mission importante, et que nos affaires prenaient un bon pli ;

« L’effronterie plus inconcevable encore de son mensonge, lorsqu’il répondit très affirmativement, pour calmer les inquiétudes de ma femme et de mes amis, que je n’étais plus à Zurich ; que M. de Laharpe m’avait emmené avec lui au quartier-général de l’empereur Alexandre ; que j’y étais bien accueilli, et travaillais utilement pour nous, etc. »

La mort l’empêcha d’accomplir son projet : elle frappa Ginguené un mois plus tard, le 16 novembre 1816.