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que je prends la liberté de vous recommander. Mme de Castella doit être en ce moment à la campagne ; je ne lui écrirai pas, mais je vous prie de passer chez elle, dès que vous le pourrez, d’écrire à sa porte que vous m’avez vu ici, que je me porte très bien, et de recommander qu’on lui fasse parvenir cet avis par la première occasion. Elle demeure rue Neuve-des-Mathurins ; la distance est grande, mais je ne vous demande point d’excuses, puisque vous ne le voulez pas. Je vous laisse, ajouta-t-il en se levant, faire vos préparatifs pour partir demain matin. Je vous enverrai ce soir, s’il m’est possible, ma lettre pour mes filles, et peut-être encore une autre. Si mes affaires m’empêchaient d’écrire dans la soirée, j’ai alors à vous prier de prendre une peine réelle, et que je serai fâché de n’avoir pu vous épargner. Veuillez vous faire conduire chez moi avant de monter en voiture ; vous me trouverez levé dès six heures, avec mes lettres prêtes, selon toute apparence ; sinon, ce sera l’affaire de deux minutes que vous voudrez bien m’accorder.

Je lui promis d’être chez lui à six heures précises, car j’espérais bien, ajoutai-je, que ses affaires l’occuperaient assez le reste dit jour pour ne pas m’enlever cette occasion de lui rendre chez lui mes devoirs. Nous nous étions vus pour la première fois il y avait quelques heures, et nous nous quittâmes presque comme de vieilles connaissances.

Je nie hâtai d’aller porter ces bonnes nouvelles chez M. Schnell. Peu s’en fallut qu’on ne les y regardât comme mauvaises. Cette honnête famille avait pris pour certain qu’on ne me laisserait point retourner en France, que je serais retenu en Suisse, à Berne même. Aussitôt, elle avait fait ses arrangemens. Après quelques discussions sur le logement que j’occuperais, Mme Stake, comme Française, l’avait emporté. Ce serait chez elle que j’aurais un appartement, petit, mais assez commode. Je n’y serais gêné peut-être que par le bruit des enfans, mais du reste on espérait que je me trouverais bien. C’était tout près de la maison Schnell ; je mangerais chez les uns ou chez les autres, comme cela me ferait plaisir, chez moi ou ailleurs quand je le voudrais ; je les verrais ou je ne les verrais pas ; je serais absolument libre. La bibliothèque publique serait à ma disposition. Le bibliothécaire se ferait gloire de me fournir tous les moyens qui seraient en son pouvoir pour continuer mes travaux. Si je voulais donner des leçons de littérature française et italienne, j’aurais bientôt plus d’écoliers que je ne voudrais ; si j’ouvrais un cours public, j’aurais toute la ville… Tout cela me fut dit avec une volubilité toute de. cœur. Après m’avoir témoigné des regrets obligeans sur ces châteaux en Espagne si facilement bâtis et si promptement renversés, on convint cependant que pour moi il valait encore mieux retourner à Paris…