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des détails particuliers sur son mari ; une longue lettre en allemand de Mme de Laharpe, adressée à son frère, M. Boëthlingk, et non cachetée ; une lettre fort courte de Mme de Laharpe à son ami M. de Lasteyrie, en lui envoyant un autographe de l’empereur Alexandre pour le remercier de quelques ouvrages ou de quelques vues d’économie et lui en témoigner sa satisfaction, ces deux lettres aussi tout ouvertes ; une grande feuille de papier de musique notée : c’était ce chant pour l'Anniversaire de la liberté suisse que j’avais arrangé dans ma tête en revenant de Berne à Zurich, et auquel je m’étais amusé, peu de jours avant mon départ, à faire un accompagnement de piano, quoique je n’eusse à ma disposition ni piano ni aucun autre instrument. Les paroles de l’hymne étaient écrites sur un papier à part. Il n’y avait de plus que quelques notes insignifiantes et des cahiers de papier blanc. Je n’avais pas, je l’avoue à ma honte, plus de craintes pour mon mémoire que pour cette chanson suisse.

M. de Clouts me suivit de près, comme il me Savait promis ; il était accompagné d’un secrétaire ou d’un scribe. — Monsieur, me dit-il de prime abord, j’ai à remplir auprès de vous une mission peu agréable : j’ai reçu hier au soir de Berne l’ordre de visiter vos papiers et d’en rendre compte.

— Voilà, monsieur, lui répondis-je, un ordre peu hospitalier et peu digne d’une nation libre, amie de la mienne, ou qui du moins s’est déclarée neutre dans les différends que nous pouvons avoir ; mais exécutez votre ordre, ouvrez mon portefeuille, vous n’y trouverez rien que votre gouvernement puisse regarder comme suspect.

Il l’ouvrit, il en tira tous les papiers, et commença sa visite. Les lettres de Naples l’arrêtèrent d’abord. Je lui en dis sommairement le sujet. Il n’était pas très instruit de ce que c’était que Filangieri, ni de ce que c’était que la Biographie universelle ; mais enfin, voyant bien qu’il n’était point du tout question du roi Joachim, il lâcha prise et passa outre.

L'Anniversaire de la liberté suisse se trouva le second, — Ah ! ah ! dit-il, une commémoration !

— Oui, monsieur, mais elle est déjà un peu ancienne.

Je lui dis dans quel recueil je l’avais prise, et pourquoi. Il connaissait le recueil, et n’en lut pas davantage.

Le troisième papier qui se présenta fut mon malheureux mémoire. Tandis qu’il lisait le début, qui était, comme on sait, sans équivoque, et qui dut lui paraître fort clair : — Ceci, lui dis-je, regarde uniquement les affaires de ma patrie, la Suisse n’y est pour rien ; ce sont les résultats de quelques conversations et mes idées particulières sur la position où nous sommes en France et sur les suites qu’elle peut avoir. J’ai fixé tout cela sur le papier sans y attacher