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prouvent que dans les deux pays l’expérience a fait reconnaître la nécessité d’une répression plus énergique, et que la peine de mort n’est pas une menace sans effet. Toutefois on ne saurait supposer que des causes d’un ordre aussi inférieur affectent beaucoup l’ensemble des résultats, et voilà pourquoi il faut admettre que les recherches de M. Guerry et des statisticiens qui sont entrés dans la même voie font déjà connaître d’une manière assez exacte les lois de la criminalité.

Ce qui frappe tout d’abord, c’est la grande régularité des résultats généraux, les progressions régulières que l’on rencontre et le peu d’amplitude d’oscillation des chiffres totaux dans les deux pays[1]. Durant une période de six années, la plus grande variation qu’ait éprouvée le nombre de crimes commis annuellement contre les personnes dans chaque région n’a pas dépassé 1/25e, et pour les crimes contre les propriétés l/50e : conclusion remarquable, que n’altèrent d’ailleurs ni l’âge, ni le sexe des accusés, ni les saisons pendant lesquelles les crimes ont été commis. Le nombre moyen de crimes que l’on commet chaque année en France contre les personnes s’élève à 1, 900 ; le nombre moyen de crimes contre les propriétés entre lesquels les diverses espèces de vol entrent pour la plus grande partie, est de 5, 300. Aussi, lorsqu’on jette les yeux sur les divers tableaux qui représentent les variations annuelles des crimes depuis près de trente ans pour la France et plus de vingt pour l’Angleterre, on remarque que la grande majorité, dans le chiffre total annuel, n’est soumise qu’à d’insignifiantes fluctuations. En France, l’empoisonnement, l’assassinat, la diffamation et l’injure, le vol domestique, le parricide, restent très sensiblement stationnaires ; en Angleterre, il en est de même du vol simple et de l’assassinat suivi de mort. Si l’on prend en France l’ensemble des crimes contre les propriétés, on trouve qu’ils demeurent chaque année à peu près permanens ; quant aux crimes contre les personnes, le nombre tend au contraire à augmenter, quoique d’une manière peu sensible, et cela tient visiblement à la progression des crimes qui se lient au désordre des mœurs, progression constatée pour notre patrie comme pour l’Angleterre. Par contre, ainsi que je l’ai dit précédemment, il y a une tendance à la diminution dans les deux contrées pour un certain nombre d’actes de violence : en Angleterre, pour les blessures et coups avec incapacité de travail ; en France, pour tous ceux qui se rattachent au vol. Toutefois, si le crime perd quelque

  1. Il est curieux de voir qu’en France et en Angleterre le minimum des crimes contre les personnes tombe en 1830 et le maximum en 1849, que le maximum des crimes contre les propriétés tombe en 1847 et le minimum en 1840. Cette dernière année est aussi celle du minimum des vols domestiques, dont le maximum est en 1837. Le travail de M. Guerry s’arrête à 1855.