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un certain nombre de départemens sont plus ou moins teintés suivant la fréquence du genre de crime qu’il s’agit de représenter. L’inspection de celles de ces cartes qui se rapportent aux crimes contre les mœurs révèle la double influence du climat et de l’instruction. On y voit figurer parmi les départemens où prédomine l’attentat à la pudeur le Vaucluse, les Pyrénées-Orientales, Seine-et-Oise, le Gard, le Var, la Marne, les Basses-Alpes et la Seine, et, dans ceux qui viennent immédiatement après, on rencontre de même tour à tour des départemens qui occupent un degré élevé sur l’échelle de l’instruction, ou qui appartiennent aux régions les plus chaudes de notre pays. Au contraire, on trouve au bas de l’échelle de la criminalité la Nièvre, le Cher, les Landes, la Corrèze, le Cantal, les Hautes-Pyrénées, la Haute-Loire ; les Basses-Pyrénées, la Creuse, c’est-à-dire des départemens pauvres, généralement montagneux, où l’instruction est peu avancée. Pour ne rien exagérer, il est nécessaire de noter que la population de ces départemens si moraux, du moins en apparence, émigre durant plusieurs mois, et verse dans les grands centres, surtout au nord de la France, une partie de son contingent de criminalité. L’influence fâcheuse des fortes agglomérations d’individus n’a échappé à personne ; elle apparaît dans le chiffre élevé que fournissent la Seine et le Middlesex pour presque tous les genres de crimes. Les grandes villes rendent plus facile l’exécution d’une foule d’attentats ; elles fournissent à des individus mal famés dans leur pays un refuge dont ils profitent pour se livrer sans crainte à leurs mauvais penchans.

On peut donc dire que chaque classe de la société a ses crimes propres et ses dispositions vicieuses particulières. M. Guerry le fait bien voir par les tableaux dans lesquels il a réparti, pour chaque catégorie d’instruction, les crimes et délits suivant l’ordre de fréquence, en prenant soin de les représenter par un chiffre qui exprime le rapport à la criminalité totale de cette même catégorie, et cela tant pour la France que pour l’Angleterre. On trouve dans la première, celle des individus complètement illettrés, l’infanticide, la supposition et la suppression de part, les associations de malfaiteurs, les vols sur les chemins publics à force ouverte, les pillages de grains et de farines, les incendies, représentés par les chiffres les plus élevés. Pour la seconde catégorie commencent à se montrer au haut de l’échelle des crimes qui impliquent un certain degré d’instruction, tels que l’extorsion de lettres de change, les menaces par écrit et sous conditions, lesquels figurent à côté de crimes indiquant encore l’absence d’éducation, le pillage et le dégât de propriétés, les blessures et les coups. Dans la troisième catégorie, les crimes de violence ont cessé d’occuper la tête de la liste ; c’est l’improbité qui prédomine : la concussion et la corruption, le