de 50 ans, cet attentat occupe constamment le premier rang : aucun autre n’atteint une proportion aussi forte ; au contraire, pour la période de 30 à 35 ans, le suicide est un des crimes proportionnellement les moins communs. Les tableaux dressés par saison nous font voir que le nombre des suicides augmente beaucoup en été, et qu’il suit par conséquent la même loi que les crimes contre les personnes ; mais bien que la mort volontaire soit soumise à l’influence de la température, elle est pour ainsi dire inverse de l’assassinat et des crimes analogues. En effet, plus un département présente un nombre élevé de ceux-ci, plus faible est généralement le chiffre des suicides ; la majorité des départemens qui donnent le maximum dans les crimes contre les personnes, tels que la Corse, la Lozère, l’Ariège, l’Aveyron, occupent les derniers degrés de l’échelle des suicides.
Cette espèce d’antagonisme entre l’assassinat et le suicide n’a rien d’inexplicable. Le premier crime n’est-il pas la conséquence du sentiment de l’égoïsme porté à son plus haut point ? L’homme sacrifie à sa cupidité, à sa haine, à sa jalousie, la vie de son semblable Au contraire, dans la mort volontaire, l’amour de soi s’éteint complètement ; le dégoût de la vie est un sentiment analogue à celui qui émousse l’impression du désir. Le suicide est en général plus Commun chez l’homme que chez la femme, quoique certains suicides, le suicide par amour notamment, prédominent chez celle-ci. Cette différence est d’autant plus remarquable que la statistique médicale montre que le sexe féminin est plus exposé à l’aliénation mentale que le nôtre, et l’on sait quelle cause fréquente de suicides est cette maladie. On doit s’expliquer une pareille inégalité par la plus grande énergie que les femmes ont pour supporter la souffrance morale, grâce à un sentiment religieux plus vif, à des habitudes moins fréquentes de désordre et d’ivresse.
De ces curieuses recherches, il ressort que la saison, l’âge et le sexe exercent sur la production des crimes une influence qui demeure toujours la même et qui établit entre les chiffres de criminalité des proportions constantes. Quoique, durant la période qu’embrassent les relevés de M. Guerry, les peines n’aient pas toujours été les mêmes pour les différens crimes, quoique la législation criminelle de la France et de l’Angleterre soient différentes, et qu’on se montre pour le même cas ici moins sévère, là plus rigoureux, la proportionnalité des attentats n’a pas sensiblement varié ; l’action de la saison, de l’âge et du sexe a été plus forte que celle de la loi. Cependant les institutions, les formes sociales doivent avoir une influence, et si elle existe, elle nous sera révélée par les chiffres absolus qui représentent la somme de criminalité. C’est ce que nous allons maintenant examiner.