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données sur lesquelles elle opère, la négligence qu’apportent les préposés de l’administration à enregistrer exactement les faits qui doivent servir de base au travail de comparaisons et de rapprochemens ; on allègue l’impossibilité de constater, par conséquent d’évaluer numériquement une multitude d’actes dont la connaissance est cependant indispensable aux recherches que l’on poursuit. La statistique dit ce qu’on veut lui faire dire, affirment les incrédules, et il y a des chiffres à la disposition de tous les systèmes.

On oublie que ces objections pourraient être également adressées aux sciences mathématiques dans lesquelles le calcul est appliqué à des phénomènes pleins d’anomalies et d’irrégularités. Les principes de la géométrie, de l’algèbre et de la mécanique sont des vérités absolues, pourvu qu’on reste dans le domaine de l’abstraction ; mais dès qu’on entre dans les applications, on s’aperçoit qu’il faut tenir compte d’une foule d’accidens et qu’on ne saurait calculer que par approximation les effets des forces et la combinaison des mouvemens dont on a, par le raisonnement, assigné les lois nécessaires. Plus on avance dans la connaissance des faits, plus on reconnaît de perturbations accidentelles et d’élémens d’erreurs. Aussi ne s’agit-il que d’atteindre à une certaine distance du vrai ; du moment que les erreurs dues à l’imperfection de nos moyens d’observation et de nos méthodes ne sont pas de nature à affecter les rapports des faits et à masquer l’ordre régulier des phénomènes, on peut dire que la loi est susceptible d’être formulée. L’énoncé obtenu, sans jamais prétendre à une rigueur absolue, représente suffisamment la façon dont les choses se passent ; l’emploi de procédés de plus en plus délicats permet ensuite des approximations de plus en plus rapprochées. Or ce qui est vrai des sciences mathématiques appliquées l’est également de la statistique. En même temps que l’administration introduit plus d’exactitude dans l’enregistrement des faits sur lesquels travaillent les statisticiens, ceux-ci perfectionnent leurs méthodes, ils éliminent peu à peu les causes d’erreur dont étaient entachés leurs premiers résultats. L’établissement de bureaux de statistique en France, en Angleterre, en Belgique, en Italie, en Hollande, en diverses parties de l’Allemagne et dans les états Scandinaves, a permis de recueillir des données auparavant inconnues et de contrôler les documens numériques. Les tribunaux de différentes nations ont fourni des élémens de statistique morale par les procès-verbaux de leurs instructions et le relevé de leurs arrêts ; ces pièces sont aujourd’hui étiquetées avec un ordre et une ponctualité dont jadis on n’avait guère d’exemples. Les administrations locales se sont montrées plus vigilantes, et les registres de l’état civil sont tenus avec un soin qui devient une très suffisante garantie. La nécessité pour les états de connaître le mouvement de la population, le montant