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videmment des Arabes, qui, désorganisés par la bataille de Tetuan, avaient de la peine à se reconstituer pour disputer la route de Tanger, et qui espéraient tout au moins gagner du temps par des négociations ; il sortait aussi, le dirai-je ? de la situation, qui était plus compliquée qu’elle ne le paraissait, que la victoire elle-même ne simplifiait pas pour les Espagnols, et, chose curieuse, — plus curieuse que nouvelle toutefois, — ce mot de paix, livré comme une énigme à toutes les curiosités attentives, éveillait des impressions très différentes en Espagne et en Afrique. Il trouvait dans le camp une armée vigoureuse, toujours prête à se battre, mais facilement accessible à l’idée de voir finir une guerre qui, poussée plus loin, n’allait plus avoir d’issue, — et en Espagne une opinion publique ardente, belliqueuse, exaltée dans ses espérances, ambitieuse de conquêtes, prompte surtout à s’effaroucher d’une paix prématurée qui suspendrait l’élan de ses aspirations. De là le singulier malentendu qui s’élevait avec les bruits de paix entre cette partie du pays que représentent surtout les cercles politiques, les partis, la presse, et l’esprit de l’armée, plus pénétrée de la réalité des choses, — entre le camp et Madrid, enfin entre le président du conseil chef de l’expédition et quelques-uns des autres ministres plus directement placés sous la pression de l’opinion. Pour tout dire, dans cette sérieuse aventure où était engagée l’Espagne, c’était l’armée qui semblait pacifique, c’étaient les politiques de Madrid qui avaient l’humeur belliqueuse. Il y avait aussi deux partis dans le camp marocain : l’un fanatique, fougueux, acharné à la guerre, se refusant à plier devant le chrétien vainqueur ; l’autre plus prudent, sentant le danger d’une lutte qui n’était qu’une succession de défaites, et porté à négocier pour éviter de plus grands désastres. Le parti de la guerre avait, dit-on, son foyer dans l’intérieur de l’empire, à Fez ; il était représenté au camp par quelques généraux, chefs des tribus les plus belliqueuses. Le frère de l’empereur, commandant de l’armée marocaine, Muley-Abbas, était considéré comme le principal partisan de la paix ; il en avait le goût, il en sentait la nécessité et n’attendait qu’une occasion favorable.

C’est dans ces conditions que sept jours après la bataille de Tetuan, le 11 février, des parlementaires se présentaient aux avant-postes de Prim, chargés par Muley-Abbas de parler « de ce qu’il avait plu à Dieu de mettre entre les Espagnols et les Marocains. » Ils avaient réellement pour mission de sonder le chef de l’armée espagnole et de savoir à quel prix on pourrait faire la paix. O’Donnell se déclara d’abord sans pouvoirs et ajourna les parlementaires à une semaine pour leur faire connaître les conditions de l’Espagne. Les envoyés de Muley-Abbas furent d’ailleurs fêtés à Tetuan. Le général