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des huertas, sur une pente douce, devait être défendu par Muley-Ahmet, tandis que l’autre, celui de Muley-Abbas, était placé à la Tour-Geleli, et étendait sur les hauteurs de droite des forces nombreuses d’infanterie et de cavalerie prêtes à se jeter sur le flanc des Espagnols. Il fallait aller à l’assaut de ces positions. Le plan du général O’Donnell était simple et clair, et le 3 février il rassemblait les chefs de l’armée à la tour de la Douane pour leur montrer ce qu’ils avaient à faire. Prim, avec le deuxième corps, déployant ses bataillons en échelons, devait marcher par la droite à l’assaut du camp le plus avancé ; Ros de Olano, avec le troisième corps, était chargé de marcher à gauche dans la même forme de bataille. Entre les deux, l’artillerie devait se mouvoir, s’appuyant sur la cavalerie, placée en arrière. Le général Rios, avec les réserves, resterait au fort de l’Étoile, faisant face aux forces marocaines qui pouvaient descendre des hauteurs et menacer le flanc des Espagnols. Ce fut là réellement la bataille du 4 février, nettement conçue, habilement combinée et vigoureusement conduite.

Ce jour cependant était d’abord pluvieux et froid comme l’avaient été tant d’autres jours. On voyait les montagnes voisines blanches de neige. Bientôt le ciel s’éclaircit, le soleil parut, et la marche en avant commença. L’armée espagnole apparut tout entière déployée dans la plaine, s’avançant en ordre et à découvert contre un ennemi caché, au nombre de trente-cinq mille hommes, derrière d’épais retranchemens défendus par du canon. Ce fut l’artillerie qui eut le premier rôle, et qui fut chargée tout d’abord de battre en brèche les camps marocains, se rapprochant sans cesse, et redoublant l’intensité de ses feux à mesure que les corps d’attaque gagnaient du terrain. À deux heures, l’œuvre était à peu près accomplie ; on était face à face ; il y eut un instant de silence émouvant sur toute la ligne, et des deux côtés les bataillons s’élancèrent. Prim avait avec lui les volontaires catalans arrivés de la veille, et tout fiers de combattre avec leur brillant compatriote ; il ne les ménagea point ; il les mit au premier rang, et tous résolument, impétueusement, abordèrent les défenses ennemies sous un feu violent de mitraille. Prim, marchant à la tête l’épée haute, se précipitait le premier dans les retranchemens par une embrasure étroite, entraînant tout à sa suite. Au même instant, à l’autre extrémité de la ligne de bataille, les soldats du corps de Ros de Olano s’élançaient avec la même vigueur, et pénétraient aussi dans les positions ennemies.

La mêlée devint alors terrible. Les Arabes, un peu surpris peut-être de cette foudroyante invasion, se défendaient avec une violence et un acharnement désespérés. On combattait dans un tourbillon et sur un volcan. Cette lutte corps à corps dura trente-cinq minutes. Le