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accouru aux premières positions enlevées, n’avait point perdu de temps pour lui envoyer du secours. Les deux bataillons de Cordova, on l’a vu, étaient survenus fort à propos. Bientôt une partie du deuxième corps, pressant sa marche sous l’impulsion du général Zabala, arrivait à son tour, s’engageant sous un feu violent, étendant le combat et délogeant les Arabes de toutes leurs positions. Le général Henri O’Donnell attaquait d’un autre côté avec quelques bataillons. Dès lors Prim, qui continuait toujours à se battre, put respirer un moment. Il a dit depuis que, lorsqu’il s’était retrouvé sain et sauf après avoir rétabli le combat par sa charge audacieuse, il avait cru sortir d’un rêve. Quand le soir vint, les Arabes levaient leurs camps et se mettaient de toutes parts en retraite dans leurs montagnes. Ils avaient perdu près de deux mille hommes. Quant à l’armée espagnole, elle restait définitivement maîtresse des hautes positions de Castillejos, où elle se retranchait fortement. Elle n’avait pas épuisé toutes les épreuves ; mais elle avait fait un pas décisif, elle sentait sa force, et cette victoire lui permettait de défiler tranquillement, d’aller camper sur les hauteurs de la Comtesse, au sud de Castillejos, ayant encore devant elle une autre petite vallée à franchir, la Sierra-Negron à dépasser et le Cap-Negro à doubler, avant de se trouver en vue de Tetuan. Dans ces marches nouvelles, le comte de Reuss prenait le commandement du deuxième corps à la place du général Zabala, que de cruelles souffrances avaient atteint pendant la journée de Castillejos sans l’empêcher de rester au feu jusqu’au bout.

L’armée espagnole n’avait pas épuisé toutes les épreuves, ai-je dit, et en effet, après avoir campé le 4 janvier sur les hauteurs de la Comtesse sans être inquiétée, après avoir trompé les Arabes par une habile manœuvre qui masquait son mouvement, tandis qu’elle défilait par une chaussée étroite, entre la mer et les lagunes de la petite vallée de Manuel pour aller gagner les premières hauteurs du mont Negron, elle était assaillie tout à coup le 7 janvier par une effroyable tempête qui la mettait dans une extrémité imprévue. L’armée espagnole avait déjà essuyé les ouragans du 18 et du 25 décembre ; la trombe de pluie diluvienne, de vent, de tonnerre et d’éclairs qui s’abattait sur le camp le 7 janvier dépassait tout ce qu’on avait vu, et elle durait trois jours. Qu’on se représente cette armée exaltée par une récente victoire, mais toujours accompagnée du choléra, adossée à la Sierra-Negron, ayant sous les pieds un sol fangeux, au-dessus de sa tête un ciel sombre et implacable, devant elle une mer furieuse, et derrière elle des montagnes sauvages peuplées d’ennemis prêts à s’élancer sur leur proie ! Par un dernier malheur, elle n’avait plus de communications avec Ceuta, car la