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guerre pour guerre et repoussant l’irruption des peuplades en armes. Sur la Méditerranée, ce que faisaient autrefois les pirates d’Alger, les pirates du Riff le font ou le faisaient il y a peu de temps encore, rançonnant le commerce, courant à l’abordage des navires retenus par les calmes, ou se jetant sur les naufragés. À l’intérieur, nul souffle de l’esprit occidental n’a jamais pénétré jusqu’ici. La seule population étrangère qu’il y ait se compose de quelques renégats ; le reste est un mélange d’Arabes, de Kabyles, de noirs et d’un petit nombre de Juifs, les uns et les autres vivant dans l’immobilité de leurs coutumes.

C’est moins un état régulier qu’un vaste camp retranché de l’islamisme assis dans cet angle du continent africain, défendu par la mer et par un épais rempart de sierras. Nulle puissance européenne ne s’est laissé attirer dans cette région si bizarrement interdite à la civilisation. L’Espagne seule a gardé quelques points sur la côte : Ceuta, Melilla, Alhucemas, Peñon de Velez ; — des possessions, non : des prisons, des présides, des postes hasardeux, et dans ces postes elle a été jusqu’ici réellement assiégée, toujours exposée à des insultes comme celles d’où est née la dernière guerre. Seul, livré à lui-même, le Maroc, à vrai dire, ne serait rien ; serré entre la France et l’Espagne, il s’ouvrirait inévitablement, et malgré tout il s’ouvrira bien quelque jour sans doute. Sa plus sûre défense depuis assez longtemps est dans la jalousie altière de la puissance qui, du haut de Gibraltar, surveille tout ce qui se fait dans cette partie de l’Afrique. Des deux clés du détroit, l’Angleterre consent bien à n’en avoir qu’une, mais elle frémit à la pensée que la seconde puisse passer entre les mains d’une autre puissance de l’Europe. Si c’est la France qui paraît devant Tanger, elle se montre inquiète et grondeuse, comme on le vit il y a quinze ans ; si c’est l’Espagne, elle la rudoie de ses impérieuses intimations, comme on l’a vu il y a quelques mois, exigeant des garanties écrites, ne laissant pas même à une nation indépendante et fière la liberté d’un désintéressement spontané. L’Angleterre a des sollicitudes pour la barbarie marocaine ; elle mesure le châtiment qu’il est permis celui infliger, et c’est ainsi que dans toute entreprise où le Maroc est en jeu intervient la menace d’une querelle avec la superbe maîtresse de Gibraltar, c’est-à-dire d’un trouble pour la paix publique. De l) particulièrement le caractère complexe de cette dernière campagne, mélange de hardiesse et de timidité, offrant au sentiment populaire un but éblouissant que les obligations diplomatiques dérobent ou obscurcissent aussitôt, et qui apparaît en fin de compté comme une page aux reflets héroïques encadrée entre les notes anglaises du mois d’octobre 1859 et une paix suffisante, avantageuse peut-être, mais