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entraînera aussi la prolongation des haines, et qu’avec les idées particulières des musulmans sur ce point, la contribution qu’il s’agira d’acquitter prendra facilement à leurs yeux le caractère d’un impôt prélevé sur eux au bénéfice de ceux qu’ils regardent comme des rayas, qu’il en devra par conséquent résulter une très profonde irritation, laquelle pourrait bien produire de nouveaux malheurs… Il n’y a pas lieu d’être touché de ces observations. Que serait-ce donc que l’intervention européenne, si elle n’avait pas au moins le mérite d’initier ces populations perverties à des idées plus exactes en matière de justice distributive ? On comprendrait encore moins que les préjugés des musulmans puissent leur servir de raison pour se dérober à une avanie, — le mot sera compris dans le Levant, — qu’ils se sont attirée par leur faute. D’ailleurs ce qui diminuera le danger de cette répartition, c’est que parmi les victimes de la populace de Damas on compte des musulmans qui auront des droits aux indemnités, car parmi eux aussi il s’est trouvé un certain nombre de bons Samaritains qui ont sauvé bien des chrétiens, et qui ont droit non-seulement à être exemptés des conséquences de la mesure, mais même à être récompensés. Ils seront là pour témoigner que l’influence européenne ne se sera employée qu’au rétablissement d’une justice impartiale pour tous.

En ce qui concerne la première partie du problème, c’est-à-dire les réparations à obtenir pour le passé, voilà ce qu’on peut essayer et ce qui paraîtra sans doute efficace. C’est aussi ce qu’il y a de plus facile à résoudre. La seconde partie au contraire, celle qui touche les garanties pour l’avenir, est hérissée de difficultés sans nombre, et peut-être même est-elle insoluble par les moyens réguliers, Lorsqu’en effet on tente de soumettre au creuset d’une discussion approfondie les diverses hypothèses qui ont été proposées, il est deux points qu’on arrive toujours à reconnaître ; c’est que, d’une part, s’il faut rester dans les erremens du droit public et trouver une solution qui respecte les droits de souveraineté du sultan, il n’a encore été rien imaginé de satisfaisant ; c’est, de l’autre, que si l’on consent, malgré son importance extrême, à passer par-dessus la considération de ce droit, il faut choisir entre les aventures et l’inconvénient d’engager l’Europe plus avant que jamais dans la question d’Orient.

La tranquillité régnera en Syrie aussi longtemps que Fuad-Pacha y restera avec les troupes qu’il a amenées de Constantinople ; mais ensuite ? Laissera-t-on les troupes ? Or qui ne sait qu’elles ont été appelées de lieux où leur présence était sans doute utile au maintien de l’ordre public, et qu’on en a disposé en suivant le procédé de l’homme besoigneux qui, pour payer une dette criarde, emprunte quelque part et à gros intérêts une somme plus considérable que la dette elle-même ? Et ensuite, si on ne paie pas les troupes, si on