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de ses montagnes vont porter la fertilité ; au-delà règne le désert qui le sépare de la vallée de l’Euphrate. Ce fleuve, qui touche à la pointe septentrionale de la Syrie, ne. cesse ensuite de s’en éloigner que pour aller dans le sud-est porter au golfe Persique le tribut de ses eaux.

De cette configuration, il résulte que la Syrie ne confine que par son extrémité nord à une terre cultivée, et que sur tout le reste de son contour elle est environnée par la mer ou par le désert. Toutefois, par le mot désert, il faut bien se garder de comprendre des terrains inhabitables et condamnés à une éternelle stérilité, comme le sont quelques parties du Sahara. Par les déserts qui entourent la Syrie, il faut seulement entendre des superficies incultes, et qui ne sont stériles sur beaucoup de points que parce que la barbarie des occupans actuels ne sait pas y amener l’eau. Partout en effet où l’eau séjourne pendant quelque temps, la terre ne tarde pas à se couvrir de végétation ; mais cette végétation succombe aussitôt que l’eau qui la nourrissait vient à s’épuiser, soit par l’évaporation, soit par des infiltrations coïncidant avec une sécheresse prolongée. Il y a même des endroits du désert qui, favorisés par la configuration des terrains, servent de réservoirs à des eaux qui ne tarissent presque jamais, et qui forment la ressource la plus précieuse pour les troupeaux des nomades. En fait, le désert est peuplé, et ses habitans avancent, empiètent sur le terrain cultivé à mesure que la civilisation recule, comme c’est le cas depuis trop longtemps déjà. Ces nomades du désert, qui deviennent de plus en plus redoutables pour la malheureuse Syrie, se trouvent en force vers le sud-est de la province, dans le pachalik de Damas, qu’ils occupent en partie, et d’où le gouvernement de Méhémet-Ali aussi bien que l’administration actuelle ont été impuissans à les chasser. D’ailleurs Méhémet-Ali s’entendait avec eux, et leur payait une espèce de tribut ou de subvention comme on voudra l’appeler ; ils l’aidaient à contenir le mécontentement universel que faisait naître son cruel gouvernement. Ses bons rapports avec les tribus du désert n’ont pas empêché cependant qu’en 1840, lorsque son armée battue eut à reprendre le chemin de l’Égypte, elle n’ait eu mille maux à souffrir de ces peuplades barbares. Dévorées d’une cupidité que le moindre objet allume, pleines de mépris pour tous ceux qui vivent autrement que sous la tente, les tribus nomades pillent sans scrupule mahométans et chrétiens. Ce n’est pas chez elles que l’on rencontrera ce qu’il semble être convenu d’appeler aujourd’hui le fanatisme turc, la caravane des pèlerins de La Mecque a constamment à se défendre contre leurs entreprises ; elles ne l’ont jamais laissé passer que lorsqu’elle était bien armée et avait payé rançon. En fait de fanatisme,