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matière[1]). Il faut bien ajouter que dans ce travail la seule partie qui ne porte pas le caractère formel d’une restitution, le bas-relief du piédestal représentant Pandore s’éveillant à la vie, est, à notre avis, un morceau faiblement conçu et, fort contrairement aux coutumes de ce ciseau, traité avec une grâce molle, avec une certaine adresse mignarde qui rappelle la manière de Canova. Simart, dit-on, avait une prédilection particulière pour ce bas-relief, et le fait peut nous étonner, bien que les artistes d’ordinaire les plus difficiles pour eux-mêmes aient eu quelquefois de pareilles faiblesses paternelles. Ce qui nous surprend davantage, c’est que cette faiblesse ait été partagée par des esprits moins naturellement prévenus, et que ceux-là mêmes qui s’étaient montrés le plus sévères pour l’ensemble du travail n’aient trouvé que des paroles d’indulgence ou d’éloge pour un détail qui, mieux que tout le reste, eût donné prise à la critique et légitimé le reproche.

Le silence que nous avons cru devoir nous imposer en face des œuvres secondaires de Simart, nous l’avons gardé aussi en ce qui concerne les particularités biographiques. Le mieux que nous eussions pu faire sur ce point eût été de transcrire les pages du livre de M. Eyriès, et d’ailleurs, sauf dans la période des débuts, la vie de Simart n’offre rien que de régulier, de paisiblement studieux, de favorisé à tous égards. Une fois, il est vrai, à l’occasion des travaux du tombeau de l’empereur, travaux répartis d’abord entre plusieurs artistes et confiés ensuite, en vertu d’un principe beaucoup plus sage, au talent d’un seul, quelques difficultés assez graves, quelques accusations amères vinrent compliquer pour un temps cette existence et en altérer le calme habituel ; mais, hormis ce court moment de luttes et de malentendus pénibles, Simart ne connut que des jours exempts des vicissitudes qui trop souvent entravent ou retardent la marche du talent. Les tâches les plus importantes, les récompenses les plus hautes qu’un artiste puisse ambitionner, il les obtint de bonne heure et sans avoir à recourir aux sollicitations, aux démarches dont le mérite ne dispense pas toujours. Heureuse carrière que la sienne, mais avant tout carrière honorable et bien remplie ; vie brillante, à n’en considérer que les dehors, mais au fond vie sérieuse et probe, invariablement consacrée à l’étude, aux affections de la famille, à toutes les honnêtes passions ! Il ne nous appartient pas, à propos des sentimens qui ont animé Simart jusqu’à la fin, de parler de ceux qu’il avait inspirés autour de lui et qui lui survivent, saintement dévoués à sa mémoire. Nous n’irons pas troubler une grande douleur dans le silence de l’asile où elle

  1. Voyez, dans la livraison du 1er février 1856, la Statuaire d’or et d’ivoire, par M. Beulé.