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ils vont être arrachés, l’autre une mère disputant sa fille à la convoitise des vainqueurs ? Pour peu que l’on étudie, au surplus le caractère d’abnégation intelligente et la savante sincérité de l’entreprise tentée par Simart, pour peu que l’on rapproche de ce travail d’assimilation d’autres travaux où l’on a prétendu aussi faire revivre les mœurs de l’art antique et s’en approprier les termes, il sera facile d’apprécier ce qu’une pareille restitution des anciens monumens a, au fond, de rare et de méritoire. Il n’en va pas en effet des bas-reliefs sculptés par Simart comme des tableaux grecs ou romains renouvelés de David, comme des pièces de théâtre taillées sur des patrons de seconde main, et dans lesquelles la poésie antique, tamisée pour ainsi dire à travers la rhétorique des grands tragiques français, ne laisse d’autre résidu que quelques solennels couplets de facture, un style pompeusement aride et l’image effacée d’une action. Simart, tant s’en faut, n’est dans le domaine de la statuaire ni un Drouais, ni un Luce de Lancival. Au lieu de demander les secrets de la beauté pittoresque à une peinture académique ou le style d’un texte original à une traduction, il consulte ses oracles en face, les interroge de vive voix, et ne leur marchande pas l’obéissance directe. Sa manière austère, mais non conventionnelle, érudite, mais non pédantesque, n’a rien de commun avec cette tradition prétendue classique à laquelle ce qui manque le plus est précisément l’intelligence de la beauté grecque. On pourra reprocher aux œuvres de Simart, et en particulier aux bas-reliefs du château de Dampierre, leur apparence un peu trop archéologique ; on y verra peut-être un défi presque hautain à nos inclinations modernes, un parti-pris de rupture violente avec l’idéal familier que tous plus ou moins nous caressons aujourd’hui- : personne, en tout cas, ne sera tenté d’accuser la médiocrité de la pratique, et, le système une fois admis, d’en juger l’application incomplète ou d’en dédaigner les résultats.

L’imitation du style antique, légitime dans le travail que nous venons de mentionner, l’était-elle aussi sûrement dans un autre travail d’une destination toute différente ? L’emploi du nu, des allégories païennes, était-il le moyen d’expression, à choisir pour la représentation d’événemens appartenant à notre siècle et pour la décoration d’une sépulture chrétienne ? En un mot, pouvait-on traiter les bas-reliefs du tombeau de l’empereur dans le même goût et conformément aux mêmes principes que s’il se fût agi de sculpter le tombeau d’un Périclès ou d’un Alexandre ? La question est complexe, et nous écarterons un moment ce qui concerne l’histoire et le costume pour examiner la signification morale et mesurer la portée du système adopté par Simart, système, faux, à notre avis, et que nous condamnerions sans réserve s’il fallait le juger seulement au point de vue religieux, parce que, envisagé ainsi, il aboutit à un contre-