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lément de confusion, d’incertitude ou de simplicité aride. L’angle même que forme le genou reployé de la jambe droite, le vide laissé entre le bras gauche, qui s’écarte du torse et soutient le poids du corps en s’appuyant, presque sans fléchir, sur une marche, tandis que l’autre bras s’abandonne en suivant la ligne horizontale de l’autel. — tout ce qui aurait pu, sous une main moins judicieuse, compliquer fâcheusement la silhouette ou en convertir l’élégance en maigreur augmente ici l’harmonie de l’aspect et ajoute à l’eurhythmie du travail. Qu’on nous passe ce mot un peu solennel ; peut-être est-il de mise en face d’une œuvre où revit la pure tradition grecque, et d’ailleurs il nous semble définir mieux qu’un autre le genre de mérité qui caractérise l’Oreste. C’est en effet par la justesse des accords, par la proportion et l’harmonie entre les principes de l’inspiration et les moyen d’exécution employés, que cette belle figure réussit à nous émouvoir aussi sûrement qu’à nous séduire ; c’est par là qu’elle s’isole de la plupart des sculptures appartenant à l’école moderne, où l’on trouve tantôt un naturalisme sans dignité, tantôt une correction sans idée, tantôt enfin des prétentions idéalistes sans une connaissance sérieuse du métier. Pour exprimer chez Oreste l’épuisement des forces, Simart n’a pas entendu sacrifier la beauté physique ni matérialiser plus que de raison la défaite de l’âme, en donnant au corps une apparence maladive. Un reste de tension dans les muscles, une sorte de frémissement mal apaisé, accusent suffisamment les récentes douleurs de la chair, et confirment ce que nous ont appris déjà les traits du visage, ces yeux à demi-clos sous des sourcils qui se contractent encore, ces lèvres entrouvertes comme pour murmurer une dernière plainte ou une dernière supplication. Du reste, aucune dépression exagérée dans le contour ou dans le modelé des membres, aucun détail malséant, aucune pauvreté de style sous prétexte d’exactitude. Tout vaincu qu’il est par la souffrance, le corps de ce beau jeune homme garde sa noblesse et sa grâce. Les muscles de la poitrine, largement et savamment divisés, comme dans la statue antique dAchille, comme dans cette autre figure dOreste debout auprès d’Electre que l’on voit au musée de Naples, et dont Simart s’est probablement souvenu, les épaules souples et robustes, l’élasticité, la finesse des attaches, tout attesté la jeunesse et la vigueur, tout est traité avec un sentiment épique de la forme, avec un goût et une fermeté de dessin irréprochables.

S’il fallait choisir un terme de comparaison parmi les statues modernes que les caractères de la pratique ou l’analogie des sujets semblent rapprocher de celle-ci, peut-être ne trouverait-on à mettre en regard de Y Oreste de Simart que le Pyrrhus de Bartolini. Même science, même ampleur dans l’exécution, même soumission aussi