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son bras inutilement robuste semble nous infliger une bénédiction ? Placée derrière son divin fils et debout comme lui, la Vierge n’exprime pas seulement, par la modestie affectée de l’attitude, un contraste excessif entre sa propre humilité et la fierté presque menaçante de l’enfant qu’elle propose à l’adoration des fidèles. Par le caractère tout moderne de ses traits, et en même temps par la simplicité à demi gothique des draperies qui l’enveloppent, elle dément la physionomie antique imprimée à l’autre moitié du groupe dans les formes animées aussi bien que dans l’ajustement. Que certaines parties de cette figure, les mains surtout, qui protègent les épaules de Jésus enfant avec une sorte d’hésitation respectueuse, soient finement comprises et rendues, c’est ce que nous n’entendons nullement contester. Toujours est-il que ces mérites de détail ne sauraient racheter l’imperfection radicale de l’ensemble, et qu’un pareil sujet comportait à la fois une signification morale plus haute et des moyens d’expression moins ambitieux. C’est assez parler toutefois de ce qui autorise le reproche dans l’œuvre de Simart. Il est temps de choisir entre les créations du statuaire celles qui s’appropriaient le mieux au développement de ses qualités, celles où se manifestent avec un complet à-propos son intelligence de l’art grec et sa confiance toute païenne dans l’éloquence de la forme pure dans l’autorité absolue du beau extérieur.

Les travaux de Simart peuvent se partager en deux classes. Les uns, par la nature des sujets représentés et les conditions spéciales de la tâche, ont un caractère et une valeur expressément architectoniques. Telles sont les grandes figures adossées aux colonnes de la barrière du Trône, celles qui décorent, au Louvre, le fronton du pavillon Denon et les voûtes du salon carré, enfin et surtout, aux angles du pavillon de l’Horloge, en face des Tuileries, ces deux groupes de cariatides à la beauté fraternelle, diverse et semblable à la fois : morceau excellent, véritable modèle de sculpture monumentale, que nous osons préférer même aux cariatides de Jean Goujon, et auquel il ne manque peut-être, pour être consacré par l’admiration unanime, qu’une origine moins récente et une place plus voisine du regard. Les autres ouvrages de Simart, — comme la statue de la Philosophie au palais du Luxembourg, ou les scènes de la Vie d’Orphée qui ornent les salons d’une habitation particulière à Paris, comme, en général, les statues et les bas-reliefs que l’artiste a exécutés dans des proportions au-dessous de la proportion colossale, — se recommandent, à défaut d’une grande force d’invention poétique, par des intentions conformes à l’esprit de chaque sujet aussi bien que par la sévérité de l’aspect et du style. C’est parmi les morceaux appartenant à cette seconde manière, pu, pour parler plus exactement, à cette seconde série de travaux, qu’il convient de rechercher