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L’Angleterre jouit, on le voit, d’un système d’éducation militaire qui peut subir la comparaison avec celui de toutes les autres nations de l’Europe. Les principaux traits de ce système sont une bonne instruction civile jusqu’à l’âge de seize ou dix-sept ans, alors une courte instruction militaire, puis, après quelques années de service, un couronnement d’études par le senior department, ou école d’état-major. Il ne faut pourtant point considérer l’état actuel des choses, quoique heureusement modifié par le principe tout nouveau du concours, comme la limite extrême du progrès. Je désire trop, au nom de la liberté, que la Grande-Bretagne garde son rang dans le monde pour flatter mal à propos son amour-propre et pour endormir chez elle l’aspiration aux réformes. Elle a beaucoup fait dans ces derniers temps, mais il lui reste à faire, et elle le sait, pour élever le moral de ses officiers à la hauteur des temps modernes, où les lumières se sont répandues dans toutes les classes. Ici comme dans les autres pays le progrès rencontre des résistances ; ici plus qu’ailleurs le gouvernement est tenu d’avoir raison et de refouler par de sages mesures qu’accepte l’opinion publique cette ombre froide du passé, cold shadow, dont on ne triomphe pas en un jour. Après tout, je ne me défie point des nations qui avancent lentement, je ne me défie que des nations qui reculent ou qui marchent témérairement en dehors de la route.

On fait la guerre avec des connaissances techniques, mais aussi avec des armes. Dans une étude sur le passé et l’avenir de l’artillerie, signée du nom de Louis Bonaparte, je lis que les anciens archers bretons, le meilleur régiment d’infanterie légère qui existât pendant longtemps, devaient une partie de leurs succès à l’habile disposition de leurs arcs. Les Anglais ont voulu transporter la même supériorité à la fabrication des armes qu’on emploie maintenant à la guerre. C’est dans les murs de l’arsenal de Woolwich qu’on pourra se faire une idée de ces travaux et de ces inventions meurtrières, qui, j’aime à en croire la parole des Anglais, servent à maintenir la paix.


II

En Angleterre, où tout s’est fait par le principe de liberté, les caractères du terrain et ce qu’on pourrait appeler les rapports géographiques ont exercé une plus grande influence qu’ailleurs sur la localisation des établissemens civils ou militaires. La proximité de Londres, le concours de la Tamise, qui se développe au pied de la