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bien distinctes, le Staff College (collège d’état-major) et le Royal Military College, qui est une école préparatoire d’officiers pour l’infanterie et la cavalerie. Tôt ou tard le Staff College[1] se détachera du bâtiment commun. Dans le bois de pins qui environne comme une ceinture le présent édifice, j’ai vu les puissantes fondations d’un nouveau monument qui appartiendra au premier de ces deux collèges. L’école d’état-major, appelée aussi Senior Department, peut être considérée à bon droit comme le couronnement des études militaires. Les élèves de cet établissement, qui ont tous subi à leur entrée les épreuves du concours, sont déjà officiers, commissioned officers ; ils ont même servi un certain nombre d’années dans l’armée active, quelques-uns d’entre eux ont fait la campagne de Crimée et la dernière guerre de l’Inde. En 1859, un de ces officiers avait reçu dix-huit ou dix-neuf blessures de la main des Indiens et portait en plein visage l’honorable, mais affreuse cicatrice d’un coup de sabre qui lui avait fendu l’œil. On est surpris de trouver dans cette école des aspirans à l’état-major qui parlent et surtout écrivent notre langue d’une manière qui ferait honneur à un officier français. Les Anglais trouvent un avantage à recueillir ainsi dans les rangs du service de jeunes officiers de talent et d’énergie qui veulent s’élever aux branches supérieures de l’armée. À l’expérience de leur état, ces militaires d’élite joignent déjà des connaissances étendues qu’une secondé éducation affermit et développe encore. Il faut d’ailleurs, on l’avouera, une certaine force morale pour retourner, après quelques années de commandement, sur les bancs d’une école, pour suivre des études variées et se soumettre à de rigides examens qui excluent toute idée d’avancement par la faveur, la fortune ou la naissance.

Le Military College de Sandhurst est, ainsi que Woolwich et Addiscombe, une école de cadets : là comme ailleurs, les abus du patronage ont été combattus dans ces derniers temps par le libre concours, qui seul ouvre désormais l’entrée de l’école. Les cadets, au nombre de cent quatre-vingts, se distinguent par leur uniforme : une redingote rouge brodée d’or sur le collet, un pantalon gris, un shako, et en petite tenue une sorte de casquette ou képi bleu. Tout concourt, dans l’école et hors de l’école, à favoriser les jeux et les exercices gymnastiques ; l’été, les élèves se baignent dans l’un des trois lacs si poétiquement bordés d’arbres qui entourent l’institution, ou bien encore ils conduisent avec la rame sur une autre pièce

  1. Dans l’armée anglaise, un maréchal (field-marshal) est autorisé à avoir quatre aides-de-camp, un lieutenant-général deux, et un major-général un. On donne le nom de staff à l’ensemble de ces officiers supérieurs. Staff, d’après la racine du mot, veut dire bâton ; il s’emploie ici dans le sens d’appui, d’aide, de soutien, comme on dit en français : « Vous êtes mon bâton de vieillesse. »