Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en 1741 à Woolwich-Warren, dans un bâtiment où se tenait le conseil de l’artillerie, board of ordnance, et près d’une maison occupée autrefois par le prince Rupert. Cette école devait instruire des officiers, des sergens, des caporaux, des cadets, même des soldats, dans les différentes branches des mathématiques qui se rapportent au service de l’artillerie et du génie. En 1764, l’institution se limita à l’enseignement de la jeunesse, et vers 1777 on y introduisit les études classiques. Il existe du colonel Wilmot un livre très curieux sur l’histoire de l’académie de Woolwich, avec des planches qui représentent l’uniforme des cadets aux différentes époques. Ce titre de cadets, qui sert encore aujourd’hui à désigner les élèves de la maison, se rattache aux usages de la vieille Angleterre : dans les familles nobles, où la loi confère à l’aîné le patrimoine de ses ancêtres, les cadets se trouvent le plus souvent destinés à l’église ou au métier des armes. Dès l’origine, l’académie royale de Woolwich était soumise à la discipline militaire, et il y a dans les chroniques de l’institution des cas de mauvaise conduite jugés par des conseils de guerre. Jusqu’en 1831, l’académie avait été tout entière à la charge du gouvernement anglais ; mais, à partir de cette époque, il s’établit une échelle de paiemens annuels de la part des familles. L’âge d’admission variait entre quatorze et dix-sept ans. Avant 1855, les candidats étaient nommés par le grand-maître de l’artillerie, master general of the ordnance, lequel était en même temps le chef de l’académie[1]. Les élus, presque tous appartenant à l’aristocratie de naissance ou de fortune, devaient subir après leur nomination un examen d’entrée, entrance examination ; mais on devine aisément que cette épreuve n’avait rien de très sérieux. Il y avait là en présence deux principes tout à fait inconciliables, le patronage et le contrôle : n’eût-il pas été dérisoire de donner d’une main une faveur qu’on eût retirée de l’autre ? Le cours des études se partageait entre la théorie et la pratique, la première fixée par les règlemens à quatre années, la seconde à une année, qui se passait dans l’arsenal de Woolwich.

Je ne veux pas dire que cette école, ainsi constituée, n’ait point fourni de très bons officiers de génie et d’artillerie à l’armée anglaise ; mais l’ensemble des connaissances laissait à désirer. Ceux des cadets qui se livraient sérieusement à l’étude étaient trop souvent désignés par l’épithète énergique de book-worms, vers de livres ; les autres témoignaient une préférence marquée pour les jeux et les exercices gymnastiques. Des courses à pied, des sauts périlleux, des morceaux de plomb tranchés par le fil de la lame, d’autres tours d’adresse rappelaient à certains jours l’âge d’or de la joyeuse et chevaleresque

  1. Le dernier qui occupa cette charge fut lord Raglan.