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sciences doivent nécessairement amener la création. On peut préciser le jour où les anciennes divisions feront place dans cette belle arme à un principe unique. Il en résultera une économie réelle pour l’état, et on disposera d’une cavalerie plus nombreuse à mettre en ligne le jour d’une bataille, puisqu’il est prouvé que la grosse cavalerie donne plus de chevaux laissés en arrière et inutiles en campagne[1] que les autres corps de l’arme. Tous les chevaux n’offrent point, il est vrai, les qualités éminentes du cheval d’Afrique, dont la vigueur et la sobriété sont devenues proverbiales. La France, tournant un regard de sollicitude sur sa nouvelle colonie, puise aujourd’hui une partie de ses chevaux de guerre dans cette race vaillante appelée cheval de l’Algérie ; l’autre race reste à créer en France. Nous en possédons toutefois les élémens essentiels. Il est deux régions françaises qui peuvent servir à tous les besoins de la cavalerie dans son double objet, l’ancienne Navarre ou pays de Tarbes et la Normandie. La Navarre est pour ainsi dire, sous ce rapport, l’Arabie de la France. Dans ses belles vallées, arrosées par les gaves du Bigorre, on trouve une race, digne de la race africaine, qui fournira un complément indispensable aux levées faites dans le Sahara, aujourd’hui surtout que le système est adopté de remonter en grande partie la cavalerie légère avec des chevaux d’Afrique. Quant à la Normandie, elle est appelée à doter la France d’un cheval à l’encolure haute et fière, à l’œil hardi, aux membres larges et nerveux, qui portera aisément les plus lourds cavaliers. Le cheval normand se plie à tous les services et supporte les plus rudes fatigues, Fondre ces deux races, ce serait placer enfin notre cavalerie à la hauteur des besoins que le changement de tactique semble réclamer désormais. Ainsi organisée, la cavalerie tout entière entrerait d’autant plus facilement dans le cadre unique qu’il convient d’assigner à l’arme. Le pays s’affranchirait en même temps du tribut qu’il paie à l’étranger, et de ce jour on aurait trouvé le rôle véritable que la cavalerie est appelée à remplir dans la tactique nouvelle des armées.


Vte de Noe.

  1. La grosse cavalerie, qui s’est couverte de gloire dans les campagnes immortelles du premier empire, n’a pu trouver depuis 1815 une seule occasion de justifier la confiance que l’on peut à juste titre avoir en elle. Appelée deux fois à de grandes luttes, en Crimée et en Italie, l’occasion a semblé fuir devant elle. Les lanciers se sont trouvés dans le même cas, sauf un engagement dans la journée de Solferino, où un témoin oculaire a vu un grand nombre de ces braves cavaliers jeter leurs lances à terre pour se servir de leurs sabres. Rien ne prouve mieux la nécessité de ramener la cavalerie française au type créé en Afrique, et dont tant de campagnes heureuses ont établi la supériorité.