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donna un exemple d’indiscipline. L’imprudence d’un soldat de ce régiment qui avait soulevé en pleine rue le voile d’une Mauresque, et que le général Desmichels avait fait exposer, l’uniforme retourné, sur la grande place d’Oran, provoqua une prise d’armes de ses camarades, qui rompirent ses liens et le ramenèrent en triomphe à la caserne. Bientôt éclata une sorte de révolte : les soldats du bataillon espagnol de la légion étrangère, envoyés pour la réprimer, pactisèrent avec les mutins aux cris de viva los casadores dell’ Africa ! Le mouvement eût pris des proportions inquiétantes, si le colonel de Létang ne se fût élancé à cheval au-devant de cette troupe indisciplinée, et par quelques nobles paroles militairement accentuées ne l’eût ramenée au sentiment du devoir. Cette première page de l’histoire du 2e chasseurs est triste, mais le régiment l’a en quelque sorte effacée par mille actions d’éclat. On le vit par exemple se couvrir de gloire au combat de la Sikkakh, où les belles dispositions du général Bugeaud nous assurèrent une victoire complète. Après la paix de la Tafna, placé sous le commandement du colonel Randon[1], le 2e chasseurs, fort de onze cents chevaux, s’exerça dans des courses pénibles aux marches qu’il devait exécuter plus tard sous le feu de l’ennemi ; il rivalisa bientôt d’adresse et d’habileté en équitation avec les Arabes. La transformation de la cavalerie française s’accomplissait ainsi peu à peu ; pour le tir à cheval au galop, elle luttait déjà de précision avec les cavaliers indigènes. La réputation des chasseurs d’Afrique comme tireurs et cavaliers s’était dès cette époque répandue dans toute l’Europe.

Le 9 novembre 1840, le 2e régiment de chasseurs se signala près d’Oran. Le général Lamoricière, chargeant à sa tête, cherchait à reprendre le corps du colonel de Maussion, tué dans le combat. Suivi de son chef d’état-major, M. de Crény, et d’un maréchal-des-logis du 2e, il put enlever à l’ennemi les restes du brave colonel ; mais le maréchal-des-logis trouva la mort aux côtés du général. Au combat d’El-Amria, le général Lamoricière signala aussi la belle conduite du 2e régiment. « Son colonel (Randon), dit-il dans son rapport, a exécuté un mouvement avec l’audace et la célérité qui conviennent à l’arme. » À cette affaire se rattache le nom du commandant du génie Bizot, tué dans les tranchées de Sébastopol comme général. Que de jeunes illustrations d’Afrique devaient tomber sur les champs de Crimée ! Citons encore le combat de Sidi-Rachet, où se montrèrent avec un rare éclat les qualités spéciales du 2e chasseurs. Fougueux, bouillant, il se lançait à l’aventure, ne doutant jamais du succès. Dans une position désespérée, il trouvait à décupler sa valeur. Le chasseur du 1er

  1. Depuis maréchal de France et ministre de la guerre.