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nouvelle infanterie d’Abd-el-Kader. Trois chasseurs du 1er, dont les noms ne doivent pas être oubliés, — Amet, Raymond, Lefèvre, — prirent chacun un drapeau. Cette belle victoire répondait à l’échec du même nom que nous avions subi quelque temps auparavant, au même lieu, dans une attaque de convoi.

À l’Affroun, le 27 avril 1840, on vit encore le 1er chasseurs, sous les yeux du duc d’Orléans, charger avec une impétuosité victorieuse les Arabes, acculés au Bouroumi. La même année, il se couvrit de gloire à Medeah, à Milianah. La province d’Alger, qui était le champ de ses opérations, confondra toujours le souvenir de ce brave régiment avec celui du prince qui, deux ans avant sa mort cruelle, était venu l’électriser de son exemple.

C’est préoccupé de ces glorieux antécédens de notre cavalerie africaine que, dans les premiers jours de février 1845, j’arrivais à Oran, où m’appelait un commandement qui m’était confie au 2e des chasseurs d’Afrique. De 1832, époque de sa formation, à 1845, époque où j’avais l’honneur d’y servir, l’histoire de ce régiment avait présenté quelques épisodes assez remarquables, dont j’indiquerai les principaux, pour montrer surtout ce qui donnait au 2e chasseurs une physionomie distincte à côté du 1er. Pour peu qu’on ait vécu dans l’armée, on ne peut en effet ignorer que chaque régiment a son caractère particulier, son âme en quelque sorte. Je ne crains pas d’ajouter que l’organisateur d’un régiment lui laisse toujours un peu l’empreinte de ses qualités et de ses défauts. Or l’officier qui présida d’abord à la formation du 2e chasseurs, M. le colonel Létang, sans manquer des grandes qualités militaires du colonel Schauenbourg, ne maîtrisait pas toujours assez sa bouillante ardeur. Le 1er chasseurs possédait à un haut degré ce sentiment de la discipline, cette circonspection indispensable à un régiment qui doit être le type d’une création nouvelle ; le 2e au contraire avait toutes les libres et bouillantes allures d’un corps vieilli dans la guerre et sûr de lui-même. J’entendais un jour un zouave dire d’un de nos généraux : « On dit qu’il est très brave ; moi, je ne connais que le travail, et je voudrais le voir travailler. » On devine ce que signifie ce mot travailler dans la langue militaire. Eh bien ! les chasseurs du 2e étaient comme ce zouave, ils ne connaissaient que le travail, c’est-à-dire la charge impétueuse, le choc indomptable. Il y a cependant diverses nuances de bravoure, et si la furie guerrière a droit souvent à l’admiration, une estime plus raisonnée est due au courage non moins solide du régiment qui, les yeux fixés sur son chef, emporte pas à pas une position et se maintient avec une fermeté modeste dans le rôle que lui assigne le plan général d’un combat.

La formation du 2e chasseurs eut lieu à Oran. Dès le début, il