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reuse ne pouvait que tourner à l’avantage d’une organisation qui devait devenir plus tard toute française, quand ces mêmes Arabes eurent été distraits des rangs des chasseurs pour former les corps indigènes de spahis.

Aux chasseurs algériens cependant avait succédé le 1er régiment de chasseurs d’Afrique, créé en vertu d’une ordonnance du 17 novembre 1831. Ce régiment comprenait : 1° l’escadron des chasseurs algériens, 2° trois cents hommes tirés des régimens de France, 3° quarante enrôlés volontaires, 4° vingt hommes par escadron du 12e chasseurs (ancien 17e). D’abord formé à quatre escadrons, ce régiment prit tout de suite le service des avant-postes, service que l’on aurait pu raisonnablement exiger de trois régimens de même force. Sans vêtemens, sans chaussures, au milieu de la pluie et de la boue, ces braves soldats montrèrent une discipline et une bonne volonté dignes de vieilles bandes. C’est qu’ils avaient un rude colonel, un vieux soldat de l’empire, M. de Schauenbourg[1]. Avec un tel homme, le succès de l’organisation n’était point douteux.

Le régiment débuta d’une manière brillante à l’affaire d’El-Ouffia, qui eut lieu le 6 avril 1832, cinq mois après sa formation. On n’avait point eu encore le temps de distribuer toutes les armes et tous les fournimens, lorsque le colonel Schauenbourg reçut l’ordre de partir la nuit. On commençait alors ces fameuses marches nocturnes[2], silencieuses, pénibles, mais prélude ordinaire de ces audacieuses razzias dont le mot est passé dans notre langue, et qui ont enfin formé cette valeureuse infanterie de Crimée dont l’activité et le courage ne connaissaient ni le jour ni la nuit. À l’affaire d’El-Ouffia, le général de Faudoas, brillant officier du premier empire, comme M. de Schauenbourg, conduisait la colonne. Il s’agissait de châtier des tribus qui venaient nous insulter à la porte d’Alger. Le succès fut complet ; les Arabes culbutés furent chassés le sabre dans les reins pendant plusieurs lieues, et apprirent à connaître aux premiers coups l’audace et la valeur des nouveaux cavaliers. Cette expédition fut d’un excellent effet pour le moral du nouveau régiment. On poursuivit aussitôt son organisation en dépit de toutes les difficultés, et le 1er juillet le régiment se trouvait fort de huit escadrons. Une plus belle occasion devait donner la mesure de ce que l’on pouvait attendre de cette troupe et de celui qui la commandait : c’est le combat de Bouffarik, livré le 1er octobre 1832.

  1. Mort général de brigade ; mais il ne fut pas donné à ce brave soldat de porter les insignes de son grade. Cloué sur son lit de mort, il se fit apporter ses épaulettes de minéral, et exprima en les voyant le regret de ne pouvoir les montrer au feu.
  2. En parlant de ces marches de nuit, le soldat disait, pour dépeindre un des supplices de l’enfer, qu’on y faisait trois marches de nuit par semaine.