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hui 12e de l’arme, et qui faisait partie de l’expédition de la conquête en 1830, fournit les premiers élémens de la formation des chasseurs d’Afrique. L’organisation des chasseurs algériens ou zouaves à cheval porte la date du 15 décembre 1830. Il entrait dans cette organisation deux catégories bien distinctes, l’une composée d’hommes habillés, équipés, montés aux frais de l’état, l’autre comprenant les cavaliers habillés, équipés, montés à leurs frais, et chargés de nourrir leurs chevaux. Les premiers étaient les cavaliers pris dans le 17e régiment de chasseurs et les enrôlés volontaires. Les autres étaient des Arabes : ils ne formèrent dans le principe qu’un escadron, sous les ordres de M. Marey-Monge. C’est dans ce corps arabe qu’apparut pour la première fois un jeune homme dont la fortune militaire devait grandir rapidement, en raison de ses services et d’une énergie peu commune jointe à une audace non moins rare ; ce jeune homme, c’était le capitaine Yusuf[1]. La prise de la casbah de Bone en 1832 montra ce que valait cet homme. Un tel épisode ouvre dignement la série des combats où figurèrent les organisateurs de notre cavalerie africaine.

Le 29 avril 1832, cent vingt Turcs, aidés d’un Français, M. d’Armandy, capitaine d’artillerie, et le capitaine Yusuf, commandant l’expédition, se rendirent maîtres de la casbah de Bone et nous ouvrirent les portes d’une nouvelle province, celle de Constantine. Ibrahim-Bey commandait la place. Le capitaine Yusuf l’aborda en lui adressant ces fières paroles devant quelques Turcs dévoués au bey : « Tu as trahi la France, et la France veut avoir vengeance de ta trahison. Je suis son envoyé, et je viens te dire en son nom qu’il faut sur-le-champ abandonner la place ou mourir. » Ibrahim, furieux, répondit : « Si dans une heure tu es encore sur mon territoire, je te fais couper la tête. — Et moi, ajouta le fier mameluck, je puis t’annoncer que, si un poil de ma barbe est touché, le roi des Français te fera couper par morceaux. » Le bey pâlit, mais il ordonna aux Turcs de se saisir du téméraire. Les sabres furent tirés, la lutte s’engagea. Prompt comme la foudre, Yusuf courut à un Turc dont il fit voler la tête d’un coup de sabre ; deux, trois têtes tombèrent ! Ibrahim, muet, son yatagan à moitié tiré du fourreau, était cloué au mur par les deux pistolets du capitaine d’Armandy, qui le magnétisait de son regard de feu. Le bey et ses esclaves demandèrent grâce ; ils sortirent de la citadelle au nombre de trente, et allèrent’ se jeter dans les montagnes. Le drapeau vert de Mahomet fut remplacé par l’étendard français. Yusuf ordonna ensuite à la garnison vaincue de faire une décharge générale de ses armes en l’honneur

  1. Aujourd’hui général de division.