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de caféiers, la ville est assise sur les bords d’un lac où se réfléchissent les hautes et flexibles tiges des palmiers. L’ancienne cité a été à peu près détruite à la suite des nombreux assauts qu’elle a soutenus ; il n’en reste que le palais des anciens rois, occupé aujourd’hui par le gouverneur civil de la province et par les tribunaux, quelques monastères habités par les prêtres bouddhistes et plusieurs temples, parmi lesquels on remarque la pagode qui renferme la prétendue dent de Bouddha. À l’exception de ces monumens, pour la plupart en ruines ou du moins fort dégradés, la vieille ville a été presque entièrement reconstruite depuis l’occupation anglaise ; les rues sont droites et larges, ombragées par de beaux arbres ; les maisons, entourées de jardins, sont blanches et propres, même dans le quartier indigène, qui présente les apparences du bien-être. Le séjour du gouverneur de l’île et des principaux fonctionnaires pendant l’été et le mouvement commercial entretenu par l’extension des cultures dans les districts environnans ont enrichi les habitans de Kandy. Bref, la ville n’a rien perdu à passer sous de nouveaux maîtres ; l’esprit d’indépendance, qui tant de fois dans les deux derniers siècles y a inspiré la guerre et la révolte, s’éteint peu à peu, et la prochaine génération des chefs kandyens fournira des planteurs et des gentlemen très fidèles sujets de la couronne d’Angleterre.

C’est du côté de l’est et du nord que doivent porter désormais les efforts de l’administration britannique. Dans ces régions qu’a traversées rapidement sir James Emerson Tennent, et dont il a tracé une description pleine d’intérêt, s’étendent des vallées autrefois fertiles et populeuses, maintenant abandonnées et sans culture, et l’on y rencontre, ramenées par la misère à l’état sauvage, les plus anciennes tribus de Ceylan. En se dirigeant de Kandy vers la côte orientale de l’île, on traverse les ruines de Bintenne, ville célèbre dans l’antiquité cingalaise, et ne conservant plus de sa grandeur passée que les débris d’un temple dont la construction remonte à plus de trois siècles avant l’ère chrétienne. Les murailles de briques ont 120 mètres de circonférence, et, bien qu’elles soient en partie démolies, elles conservent encore plus de 30 mètres de haut. Sir J. Emerson Tennent, qui s’arrêta à Bintenne pendant quelques jours, eut l’occasion d’y remarquer la vieille coutume de la polyandrie, pratiquée par le chef indigène qui lui donnait l’hospitalité. La polyandrie a été de tout temps en honneur à Ceylan, et particulièrement dans les classes élevées. Lorsqu’un chef se rendait à la cour du roi, où l’appelait le service féodal institué par le conquérant Wijago, il laissait sa femme à son parent le plus proche, qui dès lors prenait l’engagement de garder sa maison et de cultiver son domaine, La communauté des femmes garantissait ainsi les intérêts