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construites par les Portugais. La population qui se presse au débarcadère et dans les rues voisines du port est des plus mêlées. Arabes, Malabars, Cafres, Malais, Parsis, Chinois, se distinguent les uns des autres par l’originalité bien connue de leurs costumes, au milieu desquels on remarque par momens la robe jaune des prêtres de Bouddha et l’uniforme richement orné d’un chef indigène. Quant aux Cingalais, ils se reconnaissent à leurs longs cheveux, aux pierreries et aux boucles d’oreilles dont ils aiment à se parer. Les hommes se coiffent et s’habillent à peu près comme les femmes ; c’est une ancienne mode qui, en Asie, ne se rencontre guère qu’à Ceylan, et que les Espagnols ont retrouvée dans certaines régions de l’Amérique du Sud, notamment sur les rives de l’Amazone. Pointe-de-Galle n’a plus l’importance commerciale qu’il avait autrefois ; le mouvement des affaires a émigré vers Colombo. La ville est donc ordinairement assez calme : elle ne se réveille que pendant les courtes relâches des paquebots qui viennent prendre leur charbon. Il lui reste cependant un grand élément de trafic dans la noix de coco, convertie en huile, en cordages et en arak. La côte méridionale de Ceylan est la patrie des cocotiers. La nature y a prodigué ces arbres précieux, qui font la fortune et la beauté des régions tropicales, et que les indigènes, dans leur naïve reconnaissance, ont de tout temps associés à leurs destinées. Selon la croyance populaire, le cocotier ne peut vivre que dans le voisinage de l’homme ; dès qu’on aperçoit, au milieu d’une plaine ou au plus épais des forêts, sa tige élancée, on est sûr qu’il y a là un village ou une cabane qui s’abrite à l’ombre de son riche feuillage.

Une belle route macadamisée relie Pointe-de-Galle à Colombo, sur la côte ouest de l’île. À moitié chemin, l’on aperçoit sur la droite le pic d’Adam, le plus antique lieu de pèlerinage et de vénération pour les religions orientales. Les approches du pic sont couvertes d’épaisses forêts que fréquentent les éléphans, les sangliers et les tigres. De distance en distance sont construits de petits pavillons pour le repos des pèlerins. L’ascension est raide et périlleuse ; on arrive bientôt aux régions où s’arrête toute trace de végétation, et là il faut avoir la tête solide, le pied sûr et de bons guides pour monter impunément, de rochers en rochers, jusqu’à la base du cône. Enfin on se hisse, à l’aide d’une chaîne en fer, jusqu’au sommet, à sept mille pieds au-dessus du niveau de la mer, et l’on se trouve devant une espèce de tabernacle en pierre qui protège une petite excavation creusée dans le roc et représentant assez exactement la forme d’un pied. Voilà ce que viennent adorer avec une égale ferveur les brahmes, les bouddhistes, les Chinois, les musulmans, qui révèrent sur la montagne sainte la trace de Siva, de Bouddha, de