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James Emerson Tennent d’avoir feuilleté pour nous ces annales, et d’en avoir extrait tant d’événemens peu connus dont je n’ai pu reproduire qu’un imparfait résumé. Il nous reste à visiter l’île. Ceylan va nous montrer ses rivages éclairés par une ceinture de perles, ses vallées couvertes de cultures et de ruines, ses forêts peuplées d’éléphans, ses montagnes de rochers, sur lesquelles plane la paisible image de Bouddha : belle et rare nature qui provoque à chaque pas le regard et le souvenir.


II.

C’est par Pointe-de-Galle que nous commencerons notre excursion dans l’île de Ceylan. « La mer, bleue comme le saphir, brise sur les rochers qui s’avancent à l’entrée du port ; les premières terres sont couvertes d’une brillante végétation, et le sable jaune est ombragé par les palmiers, dont les rameaux, inclinés vers la mer, s’entrelacent au-dessus des eaux. La rive est parsemée de fleurs ; au second plan ondulent les collines, sur lesquelles les bois étendent, comme une draperie, leur éternelle verdure, et dans le lointain s’élèvent les crêtes rayonnantes de la région des montagnes que surmonte le pic d’Adam, avec son sommet enveloppé dans les nuages. » Les voyageurs qui ont abordé à Pointe-de-Galle ne démentiront pas cette poétique description, que j’emprunte à sir James Emerson Tennent. Ils se rappelleront également l’aspect singulier de ce petit port où se rencontrent toutes les variétés de l’architecture navale en usage parmi les peuples de l’Océan-Indien, les lourds bateaux des Arabes, les barques de Coromandel, de Malabar et des îles Maldives, les canots cingalais, dont la coque légère, creusée dans un tronc d’arbre, est maintenue droite sur la lame par un long balancier. Je me souviens de ce curieux spectacle et de ces indigènes demi-nus qui montent on ne sait comment à bord du navire européen avant que l’ancre soit tombée, et viennent étaler sur le pont, les uns des corbeilles de fruits et de poissons, les autres des coquillages, des perles ou des verroteries qui imitent traîtreusement l’éclat des pierres précieuses. Malheur à l’imprudent gentleman qui, dédaignant l’humble marché des oranges et des bananes, échange, ses bonnes piastres contre les magnifiques morceaux de verre qui scintillent, tout ruisselans d’eau de mer, dans les replis d’un vieux foulard ! Les Cingalais sont passés maîtres dans l’art d’exploiter l’antique réputation de leur île et la crédulité, toujours jeune, des voyageurs qui ont lu tant de merveilles sur les diamans de Ceylan. Hâtons-nous d’échapper à ces tentations ruineuses et de mettre pied à terre, en saluant au passage les vieilles batteries