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Ceux-ci, inspirés seulement par l’amour du lucre, ne songèrent qu’à organiser à leur profit la culture de la cannelle et à multiplier les monopoles, exploités par l’intermédiaire de subalternes indigènes qui rançonnaient durement les populations au nom de leurs nouveaux maîtres. Grâce à leur politique étroite et purement mercantile, les Hollandais purent se maintenir durant un siècle et demi sans difficultés sérieuses, évitant avec soin tout différend avec les chefs indépendans de l’intérieur de l’île, subissant même les procédés hautains et dédaigneux du roi de Kandy. Il leur fallait néanmoins construire des forts, y placer de nombreuses garnisons pour protéger les champs de cannelle, et dépenser de lourdes sommes pour l’administration de la colonie. Les états-généraux se lassaient de ces sacrifices. Enfin, lorsque les guerres de la révolution éclatèrent en Europe, la Hollande ne se trouva plus en mesure de défendre ses possessions lointaines, et en 1796 les Anglais, presque sans coup férir, s’emparèrent de Colombo.

Sir James Emerson Tennent a tracé le parallèle de la domination portugaise et de la domination hollandaise à Ceylan, Ses sympathies sont toutes en faveur des Portugais. Sans doute les conquérans du XVIe siècle ont été trop souvent sanguinaires et cruels, mais du moins ils se sont montrés hardis et braves, et ils étaient pleins de foi. L’ardeur de la propagande religieuse les poussait, tête baissée, dans les aventures de la guerre, et, quand la paix était faite, ils se retrouvaient bienveillans et charitables envers les indigènes, qu’ils avaient surtout à cœur de convertir à la loi du Christ. Aussi ont-ils laissé à Ceylan des souvenirs, des traditions, que plus de deux siècles de domination protestante n’ont pas effacés. Les catholiques sont encore nombreux dans l’île ; les églises construites autrefois par les franciscains dans les plus obscurs hameaux sont encore debout ; la langue portugaise est demeurée la langue franque du pays, et dans les provinces du sud les familles qui descendent des anciens chefs continuent à se parer du titre de dom, qui a été accordé à leurs ancêtres par les gouverneurs portugais. Les Hollandais n’ont au contraire laissé presque aucune trace de leur passage. En dehors des villes, on ne se souvient plus d’eux. Nul exploit guerrier, nulle action chevaleresque ne s’attache à leur nom : ils ont abandonné l’île comme des négocians qui liquideraient une mauvaise affaire, et qui livreraient le marché à des concurrens plus heureux. Il était réservé aux Anglais, maîtres actuels de Ceylan, d’achever l’œuvre de la conquête, et de tirer enfin parti de cette belle colonie.

Les débuts de l’occupation britannique ne furent pas brillans. Ceylan fut d’abord placé sous l’autorité de la compagnie des Indes, mais on reconnut bientôt que le système de gouvernement appliqué