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En même temps il s’occupait de poésie. Sa première œuvre d’imagination, un poème héroïque en neuf chants intitulé Czatár, parut en 1834. C’était une vive peinture des temps primitifs de la Hongrie ; le jeune poète, dès son début, aimait à évoquer les grands souvenirs de sa race et à demander au passé le plus lointain des encouragemens pour l’avenir. L’année suivante, il écrivait un drame, la Parole du Prophète, qui fut représenté à Bude en 1838. D’autres drames, Arbocz, Hélène Országh, le Dernier Khan, Elisabeth Báthori, empruntés aussi à la tragique histoire du sol natal, furent écrits par lui dans cette première période et publiés dans des recueils littéraires. En 1838, il abandonne quelque temps la poésie pour la presse politique et va rédiger à Presbourg le compte-rendu des discussions de la diète ; mais sa renommée d’écrivain est déjà bien assise, et quand il revient à Pesth l’année suivante, il ne tarde pas à être nommé membre des deux principales compagnies littéraires de son pays, l’académie hongroise et la société de Kisfaludy. Il s’en fallait bien cependant que Garay eût déjà trouvé ses meilleures inspirations ; si son premier poème et ses œuvres dramatiques révélaient une âme ardente et un talent très souple, il y avait chez lui plus de facilité que de force ; les paroles qui se gravent dans le souvenir du peuple n’étaient pas encore sorties de ses lèvres. Le recueil de ses poésies lyriques, publié en 1843, le plaça décidément parmi les maîtres. On n’y rencontrait assurément ni la forme savante de Vörösmarty, ni l’audace, l’impétuosité de ce Petoefi qui se révélait à ce moment même avec un éclat si imprévu ; c’était une pensée simple, mais vigoureuse, une imagination sobre, mais marchant toujours droit au but qu’elle s’était proposé. Garay brillait surtout dans la ballade historique, il excellait à réveiller la tradition évanouie, à retrouver les drames inconnus, les tragédies oubliées, à les condenser en de petites scènes singulièrement expressives. Il frappait, l’excellent artiste, des médailles de bronze et d’or qui, passant de mains en mains, allaient du gentilhomme au fermier, du fermier au pâtre de la Puszta, et popularisaient dans la nation tout entière des souvenirs de gloire ou des pensées de vengeance.

Une de ces médailles porte l’effigie d’Almos, père d’Arpad. En feuilletant les récits du moyen âge, Jean Garay a rencontré plus d’une fois l’histoire de ce grand chef, par qui les Magyars furent amenés en Europe. Les trois chroniqueurs qui nous ont conservé tant de curieuses légendes sur l’histoire primitive des Hongrois, au XIe siècle le secrétaire du roi Béla, au XIIe l’évêque Chartuicius, et Simon Kéra au XIIIe, parlent longuement du vieil Almos, qui vint réclamer sur les bords de la Theiss l’héritage d’Attila. On sent, en lisant les strophes de Garay, qu’il a consulté ces documens véné