Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/1006

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cer la lutte à laquelle la provoquent les derniers actes du Piémont et les récentes manifestations de l’Italie. Nous ne serions pas surpris que l’Autriche fût plus pressée qu’on ne le croit généralement d’en finir avec une situation intolérable, et qui, en se prolongeant, accroît chaque jour les forces de son ennemi, et use tous les ressorts, épuise toutes les ressources de l’empire ; mais nous doutons qu’elle trouve ses alliés enclins à seconder son impatience. L’expédient d’un congrès est du moins un préliminaire obligé qui doit avoir l’antériorité sur un recours décisif à la force. C’est cette idée d’un congrès, vaguement indiquée dans le Moniteur, qui prendra une substance et un corps dans l’entrevue de Varsovie. On sera d’accord pour dire, après la France et comme elle, qu’il n’appartient pas au Piémont de changer de ses seules mains, et sans compter avec les autres états, la distribution des territoires en Italie, distribution qui ne peut être modifiée au point de faire sortir d’un agrégat de petits états un grand royaume sans altérer en Europe la proportion et l’équilibre des forces. On s’entendra pour déclarer que, les anciennes divisions territoriales de la péninsule ayant été fixées dans une délibération des puissances, c’est également un congrès général qui a seul une autorité suffisante pour déterminer les conditions d’un nouvel équilibre italien. Les trois puissances adresseront donc collectivement à la France et à l’Angleterre la proposition d’un congrès. À l’égard de la France, cette proposition sera une simple formalité, puisque l’opinion conforme de notre gouvernement est connue d’avance. Quelques doutes subsistent sur l’adhésion de l’Angleterre ; ils nous paraissent peu fondés, à moins que l’invitation au congrès ne porte que les puissances dont l’opinion y serait en minorité devraient d’avance s’engager à respecter la décision de la majorité. Si l’invitation n’est point compliquée d’une clause semblable, l’abstention de l’Angleterre n’est guère probable. Les diplomates allemands et russes vont même jusqu’à se flatter que le congrès pourrait se constituer avec l’assentiment et la participation de la France, lors même que l’Angleterre refuserait d’y prendre part. Soit. Supposons donc qu’il soit facile de réunir promptement un congrès, et que les décisions de cette assemblée puissent être prises avec l’unanimité et la rapidité que la situation exige : quelle sera la sanction pratique dont seront revêtus les arrêts de ces assises européennes ? Comment les appliquera-t-on ? S’imaginer qu’après le grand parti que viennent de prendre le roi Victor-Emmanuel et ses ministres, les Italiens s’inclineront devant des décisions contraires à l’unité de l’Italie serait puéril. Les événemens vont vite en Italie ; chaque jour de retard rend plus illusoire l’autorité théorique d’un congrès et diminue la puissance de ses moyens d’action sur l’Italie. De deux choses l’une : ou le congrès n’appuiera pas ses décisions sur des moyens de coercition, et alors il n’aura été qu’un expédient de temporisation, qu’une contenance sous laquelle les puissances européennes auront masqué leurs prétentions stériles ; ou l’on voudra faire exécuter les décisions du congrès contraires à l’unité