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aux aspirations populaires et aux nécessités de la prépondérance extérieure de l’Autriche. Quelques réformes conçues dans un esprit plus libéral, notamment la réorganisation du conseil de l’empire, ont été tentées récemment : il importe qu’elles, se continuent et s’étendent dans le plus bref délai possible ; mais il y aurait aussi à exprimer un vœu plus ardent, plus stérile peut-être : il y aurait une seconde conséquence à tirer du parallèle établi entre l’état financier de l’Autriche et celui de l’Italie. Si la situation intolérable qui leur est faite précipitait le choc que des intérêts essentiels leur commanderaient d’éviter, on peut dès à présent apprécier la gravité des blessures qu’elles se porteront l’une à l’autre.

L’armée autrichienne n’a rien à redouter d’une rencontre avec les 200,000 hommes à peine exercés qui composent l’armée de l’Italie ; mais, tout obérées qu’elles soient, grâce au dévouement public, les finances italiennes peuvent supporter de nouvelles charges plus aisément que les finances de l’Autriche, sans monnaie, sans crédit ni au dedans ni au dehors. Enfin, dans le cas où non plus deux armées, mais deux nations seraient en présence, l’Autriche ne parviendrait peut-être plus à réunir dans un faisceau compact les races frémissantes qu’elle comprime. Ainsi donc, d’abord dans l’intérêt de l’Italie, que nous voudrions voir respirer sous un gouvernement libéral et fort, puis dans l’intérêt même de l’Autriche, — pour qu’elle cesse de se consumer en dépenses ruineuses, pour qu’elle puisse rendre à ses peuples la liberté et le bien-être, pour qu’en Hongrie la révolution recule devant de sérieuses réformes, — Dieu veuille que l’Italie entière recouvre son indépendance, et que l’empereur d’Autriche renoncé à être le souverain de Venise !

Mais sans prévoir ce que sera demain l’état qui s’appelait hier encore le Piémont, limitons à l’heure présente l’examen de la situation financière de la Haute-Italie. Des chiffres qui ont été posés, comme des faits qui ont été cités, on peut tirer d’utiles indications sur la conduite que doit tenir le gouvernement piémontais. Avec d’autres limites, sur une plus grande étendue territoriale, les conséquences en tout cas resteraient les mêmes. Déjà, en 1861, le budget des dépenses atteindra près de 500 millions ; le budget des recettes ne s’élèvera pas à 400. Pour une population de dix millions et demi d’habitans, pour un état nouvellement né, c’est presque la proportion du budget de dépenses de la France. Un déficit de près d’un cinquième dans les recettes constitue en outre la* plus grave de toutes les situations. Précisément parce que le temps a manqué pour remanier le système général des impôts, et afin de ne pas augmenter dans chacune des provinces annexées les taxes antérieures, le gouvernement a recours à