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seulement complice de l’attentat. Les principaux bienfaits de la législation anglaise étaient ainsi assurés à la France.

Le code de brumaire an iv, au sortir des épreuves sanglantes où quelques scélérats avaient mis à néant tous les droits privés et publics, reprit, quoique timidement, les traditions de la législation de 1791. Il ne reconnut pas le droit à la liberté sous caution, qui ne resta dans la loi qu’à titre de faveur, mais au moins il reproduisit soigneusement les dispositions qui permettaient d’empêcher et de réparer toute entreprise de détention arbitraire.

La constitution de l’an VIII, les lois et les codes qui la suivirent, malgré les mérites réels qu’ils doivent à l’influence du premier consul, changèrent peu à peu le droit public de la France avant que ce droit eût trouvé le temps de s’affermir et de se faire apprécier : plus tard, quand les garanties nécessaires à la liberté individuelle reprirent faveur, on ne leur rendit jamais force de loi, et elles dépendirent désormais des bonnes intentions du gouvernement. Aussi doit-on faire honneur a un ministre d’un esprit généreux et d’un cœur haut placé, M. de Serre, de la mémorable instruction qu’il adressait en 1819 comme garde des sceaux à tous les procureurs-généraux. Il leur signalait les abus qui se renouvelaient fréquemment lors de l’arrestation et de la détention des prévenus, et leur enjoignait non-seulement d’appliquer, mais encore d’interpréter la loi dans l’intérêt de ceux-ci. Ainsi il recommandait expressément l’interrogatoire des prévenus dans le délai fixé parle code et la prompte instruction de la cause, déclarant qu’il rendrait les juges responsables de toute prolongation inutile de la détention préventive ; il prescrivait de rendre un compte rigoureux des ordonnances par suite desquelles les prévenus étaient mis au secret ; il rappelait enfin que les prévenus correctionnels ne devaient être privés de leur liberté que par exception, et que la liberté sous caution devait être en leur faveur la règle dont il n’était pas juste de se départir. « Telles sont, disait-il avec une pressante sollicitude, les principales règles des magistrats préposés à la défense de la paix publique, des propriétés et des droits de chacun. Ils ne doivent jamais oublier qu’un de ces droits les plus chers, une de ces propriétés les plus précieuses est la liberté individuelle, et que, sous la charte qui la garantit, elle ne doit en dehors de la loi éprouver ni redouter aucune atteinte. »

Les vues si louables de M. de Serre inspirèrent plus d’une fois les auteurs de projets de loi soumis à plusieurs reprises depuis 1830 à la chambre des députés et à la chambre des pairs. Des propositions auxquelles le gouvernement ne demeura pas étranger furent soigneusement étudiées et discutées : aucune n’aboutit malheureusement à une loi, et l’amélioration du code d’instruction criminelle